L'éducation & l'édification de la représensation de l'être humain






(photo wiki : Tunnel .. passage, espace-temps)

Dans ce blogue nous vous présentons la suite du premier chapitre du livre Dialogue et nonviolence Active, Contrer l'Intimidation, collection Éducation à la Nonviolence Active de l'éditeur Henri Oscar Communication. Dans l'article, nous passons en revue les idées qui ont marqué le regard des institutions au cours des derniers siècles. En effet, le passage des idées à travers le temps ont marqué les systèmes d'éducation et participé à l'édification du regard de plusieurs générations.

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« Qui » est l’être humain ?


Dans nos sociétés à grands changements technologiques cette accélération de changements se heurtent aux structures établies et aux habitudes de vie. Devant les événements inattendus nous expérimentons des difficultés à appréhender la citoyenneté et à prévoir la direction que prendront les faits et la direction que prendra notre vie. Ce moment caractérisé par l’imprévu et l’accélération des changements nous amène à questionner le sens de l’éducation. Mais avant de réfléchir sur le sens de l’éducation, nous devons au moins savoir qui «nous» sommes. «Qui» est l’être humain ? Salvadore Puledda explique dans l’ouvrage l’interprétation à l’humanisme que philosophes et savants du 19e et 20e siècle avaient circonscrits l'être humain à l’image d’un personnage mi-héros et mi-robot. Puledda "figure mi-prométhéenne portant la lumière du progrès, mi-robot purement naturel et matériel ayant pour seul horizon la vie terrestre."  En fait cette façon de se représenter l’être humain s’est intégré au regard de plusieurs générations mais s’est épuisé au siècle dernier. Ce regard s’est forgé à partir de moments et de certaines idées qui ont marqués les trois derniers siècles. Voici quelques unes de ces idées ayant manqué l’histoire et la représentation de l’être humain. Ici sont présentés une synthèse des principales idées ayant influencés les époques, (évidemment il en existe plusieurs autres comme les idées) :

René Descartes (1698-1781) .. Avant l’approche mécaniste de Descartes, l’âme et le corps ne faisaient qu’un ; il n’y avait pas de distinction entre la science et la philosophie. Avec l’approche mécaniste la connaissance est désormais dirigée par la raison. Avec René Descartes c’est le début des sciences modernes et des méthodes expérimentales. «Je pense donc je suis» ! S’ouvre sur le siècle des lumières. Descartes introduit le dualiste. À partir de ce moment c’est l’observation du chercheur sur la matière en mouvement qui brime. En effet, l’on prétend observer la réalité lors d'une expérimentation sans que le regard du savant l'influence.

Kant … (1724-1804) Philosophe des lumières, fondateur du criticisme et de la doctrine dite « idéalisme transcendantal ». Kant tente de répondre aux questions « que puis-je savoir ? » et « que puis-je faire ? » Il établit une ligne entre se qui est accessible à la raison et ce qui relève de la croyance.

Jean-Jacques Rousseau.. (1712-1778) sa théorie est bâtie sur l’idée que l’homme est bon mais que la société le pervertit. Selon Rousseau se sont les relations avec les autres qui rendent l’être égoïste. Il introduit l’idée du contrat social et vise à la fois le politique et droit social en tentant de réconcilier l’autorité de l’État et les libertés individuelles. La pensée de Rousseau suit celle de Descartes et de Kant. Ce rationalisme dresse l’essence de l’homme comme « bonne », et lui pose l’image de génie. Mais rapidement celle-ci sera attaquée par le darwinisme social, les idées de Freud et le totalitarisme ambiant du 20e siècle. Éventuellement, la raison qui a d’abord éliminée les valeurs traditionnelles et transcendantes sera absorbé au 19e siècle par la réalité objective (pragmatisme).

Frédérick Nietzche.. (1844-1900) il critique la culture occidentale et l’ensemble de ses valeurs morales issues d’une dévaluation chrétienne du monde et des hommes. « .. Ce qui l’on comprend aujourd’hui de l’homme n’excède pas ce que l’on peut comprendre de lui en tant que machine ».

Friedrich Hegel..(1770-1831) propose un idéalisme absolu. Selon Hegel, le processus dialectique par lequel la conscience humaine s’élève depuis les formes les plus simples à des formes plus complexes comme l’auto-conscience, la raison et l’esprit explique l’évolution de la conscience. Hegel présente des figures qui se renversent dans une négation, puis par la synthèse et de la conciliation entre les contraires. Ce processus prend fin au moment ou la conscience, en tant que « savoir absolu » réconcilie et dépasse l’opposition entre la certitude et la vérité, entre la raison et la réalité.

Friedrich Engel .. (1820-1895) philosophe influencé par Karl Marx et Charles Darwin. Il accepte le schéma évolutif de Hegel mais renverse en son contraire le personnage principal de l’histoire : ce qui évolue selon une dynamique dialectique n’est pas un principe spirituel mais la matière.

Jules Schopenhauer .. (1822-1893) est philosophe issu du courant idéaliste allemand. Selon lui, le monde est comme une représentation de la volonté. C’est-à-dire le monde est à la fois ma représentation, et un principe non rationnel dépourvu de connaissance. Ainsi la Volonté parvient à se connaître par la représentation d’un monde et de ses phénomènes.

Darwin .. (1809-1882) Darwin est naturaliste. Il révolutionne la biologie avec la publication de l’ouvrage L’origine des espèces. Herbert Spencer (1820-1903) reprend les travaux de Darwin et établit « le darwinisme social », selon cette théorie, la lutte entre les hommes est l’état naturel des relations sociales et selon cette théorie c'est ce qui permet l’évolution des sociétés. Pour le darwinisme social le conflit et la guerre sont les bases fondamentales pour le progrès et une amélioration des sociétés. En effet, c'est la sélection naturelle par le « conflit » qui aboutie à l’élimination des individus moins aptes à la survie. Ainsi, l’homme apprend qu’il n’existe pas de discontinuité biologique entre lui et les animaux et discontinuité métaphysique entre lui et le singe.

Simond Freud.. (1856-1939) Freud est médecin et fondateur de la psychanalyse. Avec Freud, l’homme découvre que ses motivations les plus profondes sont en réalité dictées par la libido sexuelle et par l’instinct de mort. « Acheronta movebo », je secouerai l’enfer avait dit Freud, et avec lui l’orgueil de la raison s’enfonça dans le marécage des instincts. Darwin et Freud porta les coups mortels de la vision optimiste et progressiste de l’hu-manisme anthropocentrique qui permis en quelque sorte d’ouvrir les portent au totalitarisme moderne.

John Dewey.. (1859-1952) Dewey est psychologue et philosophe et l’un des chercheurs ayant le plus manqué le courant pragmatiste américain. Avec Dewey, ce ne sont plus les individus particuliers qui s’approprient les caractéristiques des divinités perdues mais la totalité du genre humain.

Ainsi naît le progrès pour l’ensemble de l’humanité ; grâce à la science l’homme réussi à se libérer des déterminismes et des aliénations pour devenir libre et maître de lui-même. Dewey débouche avec ce résonnement sur l’humanisme paradoxal (pragmatisme naturalisme). D’autre part, la prédominance du darwinisme social mène vers cette conception de l’être humain dirigé vers l'anima et explique le contiuum du vivant ou dominent les interactions de l’être avec le milieu. Ainsi c’est à partir de ce type de psychologie fonctionnelle, de la biologie évolutionniste de Darwin et de la pensée de William James que Dewey élabore une nouvelle théorie de la connaissance. Selon lui la pensée n’est pas une ensemble d’impressions produites par les sens, ni une fabrication de quelque chose appelée la cons-cience, non plus la manifestation d’un Esprit absolu, mais la pensée a évoluée grâce à l’interaction de l’être humain avec son milieu et grâce à l’instinct de survie de l’espèce humaine.

Edmund Husserl.. (1859-1938) Il est le fondateur de la phénoménologie. Avec Husserl l’intentionnalité devient plus exhaustive. Husserl met en doute les données du monde extérieur comme celles du monde intérieur en suivant une réflexion rigoureuse ouvrant ainsi la voie à l’indépendance du penser, qui se trouvait jusque-là asphyxiée par une forme d’idéalisme absolu. C’est Husserl qui lance l’idée que la spatialité de la représentation. Il ex-plique la spatialité est un espace dont les contenus ne peuvent être indépendants.


Martin Heidegger.. (1889-1976) élève de Husserl, son influence sur la philosophie française fut très importante. Selon lui, en affirmant que l’être humain est un animal rationnel, les philosophes parlent de quelque chose de « vrai » à propos de l’être humain. Les philosophes présupposent que l’essence de l’homme est quelque chose d’évident—alors il n’est pas nécessaire de remettre en question cette définition. Pourtant pour Heidegger, cette définition est déjà une forme de métaphysique car elle est interprétative puisqu’elle place l’homme dans la dimension animal.

Autrement dit, l’essence de l’être humain est pensée à partir de l’animalitas et non à partir de l’humanitas. Pour Heidegger on oublie souvent le point fondamental : « Qui » est l’être humain ? L’être humain n’est pas un « quoi », mais un Qui. « Qui suis-je ? » C’est l’être humain se questionne sur son essence.

Jean-Paul Sartre .. (1905-1980) Après la Seconde Guerre mondiale, la pensée de l’existentialisme de Jean-Paul Sartre do-mine le paysage intellectuel français. La pensée de Sartre est marquée par l’influence de l’école phénoménologique allemande. Pour lui, l’émotion et l’imagination sont des types de consciences organisées ; ce sont des manières particulières d’entrer en relation avec le monde et d’attribuer une signification aux situations vécues. L’homme est, par essence, ses propres possibilités ; son existence est continuellement remise en jeu par ses choix, ses projets et ses actes. Après la guerre, l’existentialisme est confronté par le marxisme. 

C’est dans ce contexte que Sartre tente de formuler une doctrine au centre de laquelle se trouve l’homme et sa liberté. Il écrit « tout matérialisme a pour effet de traiter les hommes y compris lui-même comme «objets», c’est-à-dire comme un ensemble de réactions déterminées, que rien ne distingue de l’ensemble des qualités et des phénomènes qui constituent une table ou une chaise. Pour Sartre l’homme est condamné parce qu’il ne s’est pas crée lui-même, et qu’il est libre et une fois jeté dans le monde il devient responsable de ce qu’il fait.

Michel Foucault..(1926-1984) Il est philosophe et s’intéresse au rapport entre le pouvoir et le savoir. Histoire de la folie à l’âge classique, Surveiller et punir. Selon lui, l’être qui naît dans une société avec une organisation et des valeurs déjà établies, est sujet à une série de mécanismes et de déterminismes dans son pro-cognitif. Celui-ci est marqué par une transparence originelle et par un inconscient, c’est-à-dire par un autre à l’intérieur de soi. Par ailleurs, l’être ne pourra jamais être absorbé dans ce soi puisque l’activité cognitive n’est jamais libre.

Claude Lévis-Strauss .. (1908-2009) Pour Lévis-Strauss les différents types de sociétés humaines résultent simplement, à des différents arrangements des éléments structuraux de l’esprit humain. Alors que ceux-ci peuvent être eux-mêmes simplifiés à des fonctionnements biochimiques et biophysiques. L’esprit humain n’est autre qu’un attribut du cerveau humain qui c’est constitué en système fermé. Pour les structuralistes l’homme doit être étudié depuis l’extérieur ; méthodologie plus ou moins calquée sur les méthodes des sciences physiques.

Finalement devant tous ces phénomènes ; le passage d’idées, l’avancée de la science, les révolutions et le totalitarisme moderne c’est accéléré les dissociations de l’idéalisme et de l’humaniste naturalisme. Aujourd’hui face à l’épuisement de ces perspectives nous constatons la dispersion et la décomposition définitive des grandes structures de la pensée.

« (…) face à la submersion de la raison, face à la croissance du symptôme néo-irrationalisme qui semble nous envahir, on entend encore les échos d’un rationalisme primitif dans lequel furent éduquées plusieurs générations. Beaucoup semblent dire: « nous avions raison de vouloir en finir avec les religions car si nous étions parvenus, il n’y aurait pas aujourd’hui de luttes religieuses ; nous avions raison d’essayer de nous débarrasser de la diversité car, si nous avions réussi, le feu de la lutte ethnique et culturelle ne serait pas déclaré. Mais ces rationalistes n’ont pas réussi à imposer leur culte philosophique unique, ni leur style de vie unique, ni leur culture unique. » (Silo, p. 283, 2013).


En fait, nous constatons qu'il s’agit là du déclin des grandes structures de la pensée qui a permis en quelque sorte de vider de l’être humain de toute action transformatrice. L’être humain est devenu cette « chose » qu’ont utilisent et manipulent. Alors que les théoriciens du monde de l’éducation avaient depuis longtemps assimilés la doctrine du pragmatisme fondé sur la pratique dont les valeurs prédominantes sont la performance individuelle et l’individualisme possessif.

La passivité de la conscience dans l’éducation

À bien des égards le pragmatisme intègre une diversité d'opinions et des tendances ayant une proposition éducative centrée sur l’élève. Par ailleurs au fil du temps, à la base de cette doctrine, qui propose l’action comme l’ultime vérité, l’être humain a vite été assimilé par un certain darwinisme social et à cette « idée » de lutte entre les individus pour la survit. En fait, les savants et les philosophes du 20ième siècle n'ont pas pu concevoir l’être humain autrement que par l’animalitas comme l’expliqua Heidegger. Les chercheurs et philosophes n’ont pas pu appréhender, que le « Qui », possède cette chose de plus, que « l’animal social » et « l’animal rationnel ». Tandis qu’avec l’arrivée des philosophes de la phénoménologie, l’activité de la conscience a pris un nouveau tournant. D'autre part, il faudra atteindre au début du XXIe siècle pour commencer à percevoir le développement de nouveaux modèles ayant comme base l'intégrité et la dignité de l'être humain et l’activité de la conscience. En effet, nous comprenons qu'au siècle dernier, le système d'éducation fut érigé sur la croyance en la passivité de la conscience. Ainsi au fil du temps, cette perspective s'est concrétisée en style de vie. Si bien, qu’aujourd’hui l’ensemble de la population n’a aucune idée de l’existence de l’intentionnalité de la conscience. Il n'est plus surprenant pour personne d’observer ce regard déshumanisant porté par plusieurs leaders. Par ailleurs, il nous semble impératif d’humaniser ce regard et libérer l’activité de la conscience dans la monde pour l'humaniser. Il nous semble évident de proposer un nouveau paradigme éducatif qui saura dépasser l’individualisme chronique qui étouffe présentement l’expression de la diversité humaine et l'égalité entre les êtres humains. Qu'ils soient femmes, hommes, croyants ou non-croyants.

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Référence : Texte tiré de la page 27 à 30 de l'ouvrage Dialogue et Nonviolence Active, Contrer l'intimidation, Collection Éducation à la nonviolence Active, Henri Oscar Communication, 2016. - Auteur Anne Farrell




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