Changeons la règle du jeu






Nous traversons un moment de grande turbulence et un jour ou l'autre toute institution est susceptible de se retrouver face à des moments incertains.  Alors comment les leaders vont-ils réagir ? Est-ce qu'ils décideront d'accomplir l'impossible en tentant de manipuler les événements pour avantager un certain clan ? Évidemment un tel choix entrainerait les populations et les individus vers de nouvelles secousses sociales et violence. Ou encore est-ce qu'ils choisissont de réorienter les institutions afin qu'elles répondent à ces choses importantes pour le bien-être des populations, pour l'éducation, la santé et la création du travail ?

Ayant reçu une éducation dans un certain type de cultures et à un certain moment, il y a des choses qui échappent à l'analyse des leaders et de leurs représentants. Leurs façons de faire et de voir provient d'un autre moment et de valorisations sociales et de codes qu'ils portent en eux-mêmes. Trop souvent ils ne se rendent même pas compte qu'ils foncent tout droit vers un mur. Leurs codes reflètent un idéal d'ordre social basé sur la récompense, la réussite et sur ce mythe de la domination du plus fort.  Mais la paix et l'équilibre social ne pourront être atteints à partir d'une vision zoologique de la vie humaine. Malgré, tous ces moyens très sophistiqués mis en place par les entreprises et les institutions permettant un certain transfert de la domestication animale vers celle du citoyen moyen - qu'on dresse dans la méfiance et dans le marketing de l'affection - rien de tout cela ne fonctionnera dans un proche avenir. En fait, c'est le mythe du dominant, 'du plus fort ' et cette vision zoologique de la vie humaine qui n'aboutiront pas. 

Aujourd'hui, il est clair pour tous que nous sommes devant la désintégration des institutions et des organisations humaines.  Dans un tel contexte, il est très difficile de maintenir les solidarités et les collaborations d’autrefois. Plutôt, on constate que les gouvernements et les institutions se méfient les uns des autres et se surveillent mutuellement. Cette surveillance « maladive » n’est pas sans raison puisque les institutions visent la même chose - " la conservation du pouvoir et leur influence sur les sociétés.  


Dans ce monde paradoxal, lorsque s'écrouleront les anciennes structures de direction et de décision, la centralisation et la bureaucratie finiront par être balayées ; les fameuses déglementations, décentralisations, libéralisations des marchés et des activités formeront le champ idéal ou fleurira une concentration jamais atteinte à d'autres époques, puisque des banques de plus en plus puissantes continueront d'absorder et de faire grandir le capital financier international. La classe politique pâtira d'un paradoxe similaire quand elle devra proclamer les nouvelles valeurs qui feront perdre du pouvoir à l'État ; de ce fait, son rôle principal sera de plus en plus compromis. (..) Lorsque la récession et le chômage déstabiliseront aussi les populations des pays riches, alors l'étape de liquidation libérale sera finie ; les politiques de contrôle et de contrainte commenceront tandis que l'on assistera à l'émergence du plus pur style impérial .. Qui pourra alors parler d'économie de libre échange ? (Silo, 1995, p. 37) 

Mais tôt ou tard dans un système fermé (une planète) ou tout se contracte et se concentre par l'appropriation des pouvoirs et des capitaux par quelqu'uns, il n'y a de la place que pour quelsqu’uns. Alors la liberté d'action des populations sera de plus en plus réduite et sous surveillance constante. Assisterons-nous à une lutte féroce et cruelle entre quelques dominateurs ? En fait, nous sommes déjà dans ce moment de lutte entre des dominateurs. En effet, nous observons que l'attitude mentale de l'individualiste compétitif débouche inévitablement sur une lutte contre tous. C'est un peu comme un « Zombies World ».

Nous sommes coincés dans ce jeu cruel entre les titans et les capitaux. Un jeu ou la règle générale est le maintien de son emplacement à tout prix, même s’il faut manipuler et utiliser les autres. C’est un peu comme le jeu de la chaise musicale. Chaque personne est en compétition avec les autres et se retrouvent dans une situation ou il est de plus en plus difficile de maintenir des liens de confiance avec les autres. En fait, toutes les organisations semblent aujourd'hui touchées par ce fléau. Et gare ! à celui qui voudrait s’occuper de prendre en compte la situation de d’autres, car il perdra sa place. Car, celui-là est perçu comme le perdant, tandis que celui qui prend avantage de l’autre, qui est rapide et rusé est perçu comme le vainqueur. 

Il est évident que l'attitude mental individualiste compétitif qui est promu par les organisations  et cette lutte pour la suprématie du plus fort à la recherche de la réussite à tout prix va tôt ou tard déstabiliser l’ensemble et générer de nombreux problèmes. En effet, depuis plusieurs années, les spécialistes ont observé  un augmentation des problèmes en santé mentale chez les travailleurs; le burn-out, la dépression et des autres problèmes liés à l'organisation du travail. 

Changeons la règle du jeu



 


Mais est-il possible de changer la règle du jeu afin que tout le monde y gagne ? Disons, que nous proposions qu’à chaque tour et qu’à chaque tapement de mains, bien que l’on enlève une chaise, la règle générale soi que tout le monde doit être assis et ait une place.   



Après un certain temps, nous constatons qu’en changeant simplement cette  règle principale, tout à coup les participants commencent à coopérer entre eux. Conséquemment, il est facile d’anticiper qu’un tel changement permettre de se préoccuper des autres pour que personne ne soit exclue. En fait, dans ce système tout le monde fait des efforts et ce même si certains doivent s’assoir sur les genoux de d’autres.  Tous amusent quand même sans qu’il y ait des gagnants ni des perdants.  



Le paysage de formation



Pour les volontaires de l'éducation à la non-violence, il devient possible de changer la règle du jeu, mais encore faut-il revoir certaines formes mentales de notre mentalité. Nous devons être en mesure d'observer ce qui est à l’origine de l’individualisme compétitif qui s’est installé comme la règle universelle de la vie et « une normalité » que l’on ne questionne plus. 



L’éducation à la nonviolence dénonce l’individualisme compétitif et l'individualisme d’enfermement, la violence, la corruption et la manipulation. L’éducation à la non-violence propose le dialogue et la communication avec une diversité d'individus et l'ouverture à la diversité du "faire". Cette éducation propose à l'apprenant d’observer le paysage dans lequel il a été formé pour mieux comprendre son action sur le monde afin de pouvoir le transformer. L'éducation à la nonviolence s'intéresse à la transformation de l'action. Mais qu'est-ce que le paysage de formation ? C'est la mémoire agissante, c'est cette mémoire qui détermine notre façon de voir le monde et les choses.

Par exemple, en observant, mon paysage de formation je constate que l'individualisme compétitif a été renforcé par certaines normes sociales à l'école et dans la communauté. Je remarque que j'ai appris à socialiser avec les autres à partir d'un emplacement de 'réussite'. Mais cette façon de socialiser avec les autres n'est pas toujours appropriée. Par exemple, si je fais la fête avec mes amis ou lorsque je suis en relation de couple. Mais il arrive souvent que dans ces contextes l'amitié entre les personnes soit contaminée par la rivalité et la compétition. Jamais auparavant il n'y a eu autant de communication dans le monde. Jamais autant de personnes souffrent d'incommunication et de crises d'angoisse.









L’individualisme compétitif et l’éducation 
Aujourd’hui les nouvelles générations incorporent dans un monde auquel on leur fait croire que cette situation est normale et qu’ils doivent s’adapter sinon ils perdront leur chance de réussite. Dans un tel contexte, il est fréquent qu’un enseignant bien intentionné, n’informe pas des conséquences de la formation individualiste et compétitive. En fait, certains d’enseignants, par souci de vouloir aider, préparent les élèves à un monde égoïsme et violent, parce qu’ils considèrent qu’ils ne pourront le changer. Ils croient qu’ils préparent les élèves à la réalité. Ainsi leur manque de perspective humaniste et de nonviolence les conduit à former des jeunes qui aspirent à s’adapter au monde violent tel qu’ils le voient. Mais ce regard sur les nouvelles générations porte atteinte à l’évolution des choses en favorisant des conditions d’involutions sociales et personnelles. Tôt ou tard les jeunes ayant appris à se centrer presqu’exclusivement avec eux-mêmes ne pourront résoudre des problèmes d'une grande complexité impliquant la mise en place d’un travail d’ensemble et de collaboration.

Heureusement, de plus en plus d'enseignants et d'éducateurs cherchent de nouvelles manières de faire. Des manières de faire ouverts sur la diversité des réalités et des apprenants. Plusieurs comprennent que chaque apprenant est un individu unique qui a droit à son expérience et son interprétation. En fait, l’apprenant n’est pas une statistique. 

Aujourd’hui, de plus en plus, d’éducateurs, de parents et d’étudiants souhaitent devenir formateurs et volontaires de la nonviolence Active. En effet, la plupart des gens comprennent que peu importe le gouvernement au pouvoir, les réels changements ne viendront jamais des dirigeants, de leurs représentants, des technologies numériques, de l’argent et encore moins de la répression et de la violence. Les gens comprennent que les changements viendront d’eux-mêmes et de ceux qui les entourent. Ainsi nous allons discuter des expériences que nous avons eu en présentant le programme d'éducation à la nonviolence.

Les conditions pour le dialogue
Au cours de nos rencontres pour présenter l'éducation à la non-violence nous discutons avec de nombreuses personnes. Plusieurs expriment des idées, sentiments et des opinions. En règle générale, lorsque nous présentons le programme d'éducation à la nonviolence nous sommes confrontés à cette croyance que la nonviolence Active n’est pas possible dans un monde violent. Les gens nous expliquent que ce que l’ont fait est bien, mais que nous sommes naïfs, et que tout ça sert à rien puisque l’être humain est génétiquement programmé à devenir agressif, violent et autoritaire.  C’est précisément pourquoi au fil des années, nous avons rencontré un certain vide dialogique dans l’échange de nos idées et nos expériences. En fait, cette barrière a été même parfois doublée d’hostilité dressée à la simple possibilité de discuter publiquement de nouveaux points de vue. Parfois, on a même délibérément bloqué certains volontaires d’exercer leur droit de parole. Mais pourquoi empêcher des idées d’être entendues et à des activités d’être diffusées alors qu’elles traitent essentiellement de l’être humain et de la non-violence Active.  

Mais les choses changent et de plus en plus et nous observons que les éducateurs souhaitent davantage participer et former d'autres éducateurs. En règle générale, les éducateurs volontaires agissent pour l’avancement d’une conscience locale et globale pour l’humanisation des sociétés et de l’être humain. Les comprennent que c’est seulement par l’action de grands ensembles humains que les individus pourront s’humaniser et humaniser les sociétés. Mais pour ce faire, les écoles, les cégeps et les universités doivent créer des espaces pour le dialogue, la réflexion et surtout l’action sociale. 

Les difficultés avec le lancement de nouvelles activités
Nous avons fréquemment remarqué, que lorsque les volontaires lancent de nouvelles activités ils se trouvent face à des difficultés et des résistances. Par exemple, certaines personnes veulent leurs faire croire qu’ils sont incapables d’opérer de grands changements sur leur milieu parce qu’elles n’ont pas suffisamment de compétences, d’habiletés et d’argent. Souvent lorsque ces situations surviennent, nous pouvons nous retirer quelques instants et nous rappeler notre emplacement tactique. En effet, les volontaires de l’éducation à la non-violence travaillent pour l’avancement de l’humanisation et d’une culture pour la non-violence Active. Ils ne travaillent pas pour répondre à des exigences institutionnelles, organisationnelles - ou répondre à des intérêts particuliers. Conséquemment, ils doivent faire preuve d’audace en expliquant à ceux qui les accusent   'de ne pas faire correctement les choses'   que l’emplacement tactique de l’éducation à la non-violence consiste justement à prioriser la liberté d'action pour son avancement – puisque sans liberté d'action cette éducation n’avance simplement pas et ni l'apprenant.  

En fait, au fil du temps, les volontaires constatent que chaque activité correspond comme un but en soi. Puisqu'en règle générale, les volontaires pour l’éducation à la nonviolence ne s’enchainent pas à un résultat. En effet, ils reconnaissent que l’enchainement génère des attentes et des problèmes. Les volontaires comprennent que le monde est déjà assez compliqué comme ça et qu'il faut éviter de créer de nouveaux problèmes. Ils comprennent que la planification des activités est essentielle de même que les évaluations ponctuelles des projets réalisés dans les écoles et dans les voisinages. 

S’humaniser en humanisant nos actions
Au cours des séances de formation sur la nonviolence Active, les apprenants apprennnent à changer leur façon de regarder les autres et eux-même. Dans l'éducation à la nonviolence nous disons qu’il n’y a pas de bon et mauvais côté mais plutôt des situations existentielles construites à partir d’intentions humaines. Nous ajoutons du même trait qu'il est urgent de dénoncer systématiquement les situations de violence, d’intimidation et de déshumanisation. 

Les éducateurs savent qu'il est important de résoudre certains problèmes d’insécurité, d’incommunication et de violence dans l'école et dans le voisinage - mais avant tout ils reconnaissent l'importance du travail d'ensemble qui part du milieu et touche toute la société. 

Nous savons qu’il est possible pour tous d'avoir accès à une éducation de qualité et à des services de santé. Nous comprenons que la tendance actuelle à vouloir « régionaliser les conflits » est en train d’être manipulées par des intérêts particuliers au détriment de grands ensembles humains. Nous comprenons que ceux qui contrôlent ces intérêts ne veulent pas prendre en charge les problèmes de la déshumanisation parce qu’ils devront renoncer à ses gains fabuleux en échange d’une humanisation globale et d’un bien être pour tous. Nous savons que ceux qui soutiennent férocement des valeurs de la déshumanisation doivent s’humaniser !  

Pour conclure notre blogue, je vous présente un texte écrit par Dario Ergas en 2009 dans le cadre de la grande Marche Mondiale pour la Paix et la Non-violence.
 
La non-violence dans un monde violent 
Texte de Dario Ergas tiré des événements organisés dans le cadre de la Marche Mondiale pour la Paix et la Non-violence au Chili 2009 

Nous sommes confrontés à la croyance que la non-violence n'est pas possible au sein d'un monde violent. Pourtant au début de l'évolution, la vie s'est manifestée dans les mers, dans l'eau et aucun être vivant ne pouvait respirer hors des mers. Si un poisson avait pu dire : sortons à l'air, il y a un monde nouveau là-bas, tous lui auraient dit qu'il était fou et irresponsable et qu'il mettait en péril la vie de tous.  

Aujourd'hui, nous vivons dans une mer de violence, on ne croit pas qu'il soit possible d'en sortir et ceux qui cherchent « une nouvelle atmosphère » pour que respire l'être humain sont regardés avec suspicion.  

Quand nous parlons de non-violence, nous ne parlons pas de quelque chose de facile qui s'obtient par la bonne volonté ou par un décret de loi. Nous parlons d'évolution, d'un saut de l'humanité, de la recherche d'une nouvelle expérience et d'un nouvel être humain. Nous parlons de la création d'une atmosphère mondiale et sociale pour réaliser une société pleinement humaine.  

La violence nous poursuit depuis nos ancêtres les hominidés et de la même façon qu'un jour nous nous sommes mis debout pour regarder le soleil et le ciel et qu'un autre jour nous avons appris à produire le feu pour illuminer la Terre, nous pouvons avancer vers ce jour où nous laisserons derrière nous ce comportement que nous traînons depuis la préhistoire. Je mets intentionnellement en avant ces étapes de l'évolution pour faire comprendre l'ampleur du changement auquel nous aspirons, ce projet véritablement humain. Cette image du futur se trouve quelque part en nous et de là projette sa lumière et donne direction et espoir à l’humanité.  

Parce que cette image a été conservée et parce qu'il existe un sens profond qui oriente la vie, toute action n’est pas identique à n'importe quelle autre. Les actions qui accompagnent cette image d’un futur nonviolent et humain produisent en nous sens, force et joie et les actions qui n'aident pas la direction évolutive de l'être humain produisent en nous de la souffrance en augmentant notre propre violence. 

La non-violence, beaucoup plus qu'une position politique, est un acte moral. L'acte moral se reconnaît parce qu'elle réveille en celui qui la réalise, inspiration, force et sens dans de la vie. 

La non-violence ne peut imposer à l'autre sa vérité, ni même l'utilisation de sa méthodologie. La non-violence part de la décision personnelle de changer sa propre vie, de reconnaître la violence en soi et de dépasser son propre ressentiment, son propre désir de revanche et de domination. Cesser de traiter les autres comme ils me traitent, pour commencer à les traiter comme j'aimerais être traité. J'affirme en moi et proclame aux autres, ce monde auquel j'aspire et l'être humain que je souhaite. Je cherche ainsi à montrer par mon effort et mon action que ce monde chéri est chaque fois plus proche.
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Références:
Photo crédit : wiki How 

Vous pouvez vous procurez le livret de la Marche Mondiale et du Défi Non-violent 

Ce livret à présenter et étudier en classe avec les élèves -contient photos et faits sur la Marche Mondiale pour la paix et la nonviolence et un glossaire incluant plusieurs thèmes et définitions de la paix et la nonviolence. 







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