L’accumulation des actions et les que prennent les événements!
L'accumulation des actions et les directions que prennent les événements !
Dans notre dernier blogue nous avons
discuté de l'acte valable et du principe de solidarité, « traite
les autres comme tu voudrais être traité ». Nous avons dit que le principe de solidarité est l'un des fondements à la base de l'éducation à la non-violence. Mais, nous n'avons pas traité du registre (la sensation, la mémoire plus la représentation) que procure l'action valable. Nous disons que
l'acte valable produit une sensation d'unité, de détente et de
continuité. Autrement dit, si nous le pourrions, nous voudrions répéter l'acte plusieurs fois au cours de notre vie. Ainsi, l'intérêt de ce
blogue est de découvrir ce qui est valable dans
l'action et ce qui ne l'est pas valable.
Premièrement nous constatons que
traiter l'autre selon ce qui est bon pour soi,nécessite de comprendre quels registres est bon pour soi. Pour apprendre à traiter l'autre de manière juste nous devons apprendre à observer nos propres références internes ; c'est-à-dire nos
expériences, sensations et registres. Par exemple, lorsque nous vivons une
situation difficile, nous pouvons répondre d'une façon où d'une autre.
Si je suis harcelé par quelqu'un, je peux répondre violemment.
Ainsi face à cette irritation produite par un stimulus extérieur et
face à la tension que cela produit en moi, je peux chercher à me
détendre en réagissant violemment et, en faisant ainsi j'éprouve une
sensation de soulagement. En effet, j'observe
qu'effectivement je me détends. Ainsi, la première condition de
l'action valable est rencontrée ; je ressens une détente
en moi-même. Mais nous observons que la deuxième condition n'est pas
rencontrée. En somme, la détente ressentie n'est que temporaire puisqu'après
un certain moment, je ressens une sensation d'irritation. Autrement dit, au moment A, je déclenche une détente en
réagissant de la sorte tandis qu'au moment B, je ne suis plus du
tout en accord avec ce que j'ai fait. Nous observons que le moment
B crée une irritation intérieure que nous appelons la contradiction. C'est-à-dire qu'il existe un désaccord entre ce que j'ai fait, ce que je pense et comment je me sens.
Nous avons dit que les actes valables
procurent un registre de détente et d'unité qui s'accompagne d'une sensation de croissance intérieure. En ce sens, nous disons que cet acte possède cette saveur de
continuité. C'est-à-dire que si nous pourrions le refaire, nous
répéterions plusieurs fois l'acte. Mais plusieurs actes que nous
accomplissons dans la vie quotidienne n'ont rien à voir avec la
morale ou l'acte valable. Par ailleurs, nous pouvons être solidaires avec des amis où des collègues mais ressentir de ces actes ne sont pas nécessairement liées à cette sensation d'expansion intérieurement. Plutôt ce sont des actes nous renvoie des sensations de plaisir et de satisfaction.
Nous effectuons
tous dans la journée de nombreuses actions qui nous amènent à
détendre certaines tensions. Ces actions n'ont rien à voir avec la
morale. Nous les réalisons, nous nous détendons, nous éprouvons un
certain plaisir, et on en reste là. Si une tension surgissait de
nouveau, nous la déchargerions de nouveau, comme dans un
condensateur, où une
charge augmente en puissance jusqu'à une limite, puis se décharge.
Cependant, cet effet de condensateur, avec ses accumulations et ses
décharges, nous donne l'impression d'être placés dans une roue
d'éternelles répétitions de mêmes actes. Certes, au moment où
se produit cette décharge de tensions nous
éprouvons une sensation agréable, mais il nous reste aussi un
étrange arrière-goût car, si la vie n'était que cela – une roue
de répétitions, de plaisirs et de douleurs – elle ne serait on ne
peut plus absurde. Aujourd'hui, face à cette tension, je produis
cette décharge; demain, il en sera de même .. et ainsi, la roue des
actions tourne sans cesse, comme le jour et la nuit, indépendamment
de tout choix humain. (Silo, 2013, p. 23, 24)
L'éducation à la non-violence et l'autoconnaissance
Si nous apprenons à nous connaître non seulement à
partir des stimulus reçus du monde externe mais aussi à partir des
stimulus qui proviennent de notre "monde interne" (sensation, registre, perception) nous pourrons mieux
perfectionner nos actes et modifier notre futur et notre passé. Nous disons qu'il est nécessaire de perfectionner tous types d'actes, que ce soit l'acte d'apprendre de nouvelles
connaissances où encore les actes de la vie quotidienne. En fait, l'autoconnaissance est l'un des pilliers de l'éducation à la non-violence - apprends à perfectionner tes actes, et tu apprendras à te connaître.
Dans plusieurs blogues nous
avons dit qu'à toute perception correspond une représentation, tandis que le registre est l'expérience et la mémoire. Évidemment
apprendre à se connaître implique que nous puissions nous observer dans
la vie quotidienne. Nous devons apprendre à reconnaître se qu'on ressent et pense. Par exemple, si quelqu'un a un accident et que d'un coup
j'éprouve presque physiquement le registre de douleur de l'autre!
Je m'observe et me demande comment se fait-il que résonne en
moi quelque chose qui arrive à quelqu'un d'autre? En fait, c'est
comme si la douleur de l'autre était interconnectée à mon
psychisme. C'est presque de la magie! Sachant que toute perception
correspond à une représentation il n'est pas difficile de
comprendre qu'en percevant un phénomène auquel correspond une image mentale ; une réponse interne mobilise certaines activités de mon
corps. Rappelons que la fonction de l'image est telle un «état » de
conscience. Ainsi il est plutôt juste de parler de « conscience
de la sensation, conscience de la perception et conscience de
l'image ». En règle générale, on dirait, j'ai ressenti de la
compassion pour la personne qui a fait l'accident. Mais en fait ce que
nous voulons dire est comme suit, "je suis compatissante à la douleur de l'autre". C'est la conscience qui modifie sa façon d'être dans le monde et n'est qu'une façon d'être, comme par exemple « je suis émue, je suis attentive », etc. En accord avec l'idée d'intentionnalité, il est évident qu'il y a de
conscience que s'il y a quelque chose et que ce « quelque chose »
ne peut échapper à la spatialité du représenter. Par ailleurs, c'est grâce à cette façon de présenter l'intentionnalité de la conscience et la fonction de l'image que j'ai peux ressentir la
douleur de l'autre dans mon propre corps.
Comme nous l'avons expliqué,
il nous semble important d'obtenir une réponse claire sur l'utilité de l'action. Car l'action est centrale à la vie.
C'est à partir de ces actions que l'être humain développe un style de
vie. Le style de vie se construit à travers la direction
qu'on donne à ses actions. Dans la vie humaine, tout s'ordonne selon
la direction que l'on choisi de prendre. Si j'ai un emplacement
déterminé face au futur, mon présent s'y ajustera. Autrement dit,
il y existe une énergie provenant de l'accumulation des actions qui propulsent ou non
celui qui a généré des actions dans une direction où une autre. Par ailleurs, toutes ces questions sur ce
qui est bien, ce qui est mal, affectent non seulement l'avenir de
l'être humain, mais également son présent. Elles affectent non
seulement l'individu, mais aussi l'ensemble des peuples.
Pour conclure notre article, nous vous présentons une légende qui illustre
les possibles conséquences d'une accumulation progressive d'actes
contradictoires "individuelles" et "collectives".
La tour du pouvoir et des richesses
Un prince orgueilleux décida de
construire une tour gigantesque qui atteindrait le ciel. Pour ce
faire, il réunit un tiers de ses hommes et leur ordonna d'effectuer
ce travail. A l'exception des sages, la population était corrompue
comme son prince. Ce royaume était rapace envers ses voisins et
vaniteux quant à ses richesses. Les années passèrent et la
construction arriva jusqu'aux nuages. Mais à mesure qu'elle
s'élevait, les problèmes augmentaient. Les forces du royaume
devaient acquérir chaque fois plus de ressources, d'animaux et
d'esclaves. Alors que le tiers des hommes continuait à travailler
sur la tour, les hommes restants furent répartis entre la guerre, le
transport, l'équipement, l'administration et l'artisanat. Les années
passaient et la tour s'élevait. Comme l'effort s'ajoute à l'effort,
les pierres s'ajoutèrent aux pierres. Et la tour continuait
d'emporter vers les hauteurs toute la richesse, tout le pouvoir,
toute la souffrance. Tout était comme une terre désolée qui ne
reçoit pas l'eau s'évaporant des mers, parce que la sécheresse
sévit.
Alors les sages expliquèrent au prince
les conséquences qu'entraînerait le monstrueux projet, mais on les
fit taire …
Ainsi, la tour grandissait, mais
grandissait aussi avec elle l'orgueil du souverain et des sujets,
jusqu'au jour où ils dirent :
« Cette tour, qui nous vaudra le respect et la soumission de toutes les nations requiert que ses constructeurs soient à la hauteur de tant de mérites. Par conséquent, les ordres des ingénieurs, des architectes, des maîtres tailleurs et de ceux qui dirigent la montée des pierres doivent être données selon une hiérarchie, et à partir du niveau de la tour qui correspond à leur dignité ».Il arriva alors que tous voulurent diriger à partir de la dernière section de la rampe. Seulement, ils étaient si loin de la terre que, même en criant, ceux qui étaient en bas les entendaient mal. Pour comble, les ordres des uns s'opposaient aux ordres des autres. C'est ainsi que certains montaient du mortier au lieu monter des leviers et que d'autres réparaient des outils alors qu'il n'y avait personne pour les emporter.
Finalement, la construction commença à
devenir irrégulière : les coudes se coupaient sur les parties
saillantes et des poulies et des paniers tombaient. A certains
endroits, il y avait trop de ciment et à d'autres il en manquait. A
la fin de ce chaos, la tour était une somme d'erreurs et s'inclinait
dangereusement. La folie des constructeurs fut telle que, à force de
continuer à charger l'ouvrage de la sorte, les fondations finirent
par céder et il s'écroula, entraînant avec lui depuis le haut des
cieux jusqu'au plus bas de la terre, les dirigeants des travaux.
Alors les sages se réunirent et dirent : « Profitons du
matériel pour faire quelque chose d'utile. Disposons tout pour que
quelque bénéfice reviennent à notre peuple ». Et c'est ainsi
que les eaux furent capturées et menées vers de lointains lieux de
cultures, les demeures des populations furent consolidées et les
murailles furent construites pour la défense et non pour l'attaque.
Tout fut mis en œuvre pour le bénéfice
du peuple, et celui-ci travailla, vivant en paix avec lui-même et en
amitié avec ses voisins.
------------------------------
Notes:
Photo 1. Wikimédia commons Pieter Bruegel the Elder - The Tower of Babel (Vienna)
Photo 2.Wikipédia, La tour de Babel peinte en 1587 par Lodewyk Toeput. Le dogme judéo-chrétien lui impute la confusion des langues.
Références: www.educationnonviolence.ca
Silo Parle, Recueil d'opinions, de commentaires et de conférences 1969-1995, Éditions Références, 2013, Paris, France, 319 p.