Qui suis - je ...ou vais - je. . Quelle est mon utilité psychologique?

Qui suis-je .. ou vais-je .. quelle est mon utilité vitale?

Les questions fondamentales de notre époque se rapportent à l'existence, au registre de l' «être » .. qui suis-je /ou vais-je?


(Image: Wikipédia - Sandro Botticelli La Nascita di Venere)


À la fois fondamentales et vitales ces questions sont liées à l'utilité psychologique et déterminent l'action de l'homme et la transformation de sa propre Nature. Pourquoi j'existe? .. qui suis-je ou vais-je? Pour aider à la compréhension du lecteur, nous définissons le registre comme étant l'expérience de la sensation produite par des stimuli détectés par les sens internes ou externes, y compris le souvenir et l'imagination.1

Il me semble que ces questions urgentes et fondamentales de l'existence humaine se rapportent à l'expérience de la vie humaine, c'est-à-dire au registre de l' « être ». Trop souvent, l' « être » est totalement évacué des grandes questions publiques et politiques. Comme si la partie interne de l'être n'existait pas. C'est le règne de l'être externalisé. L' "être", est complétement immergé à des styles de vie ou les éléments secondaires qui prédominent sur le registre de l'être, c'est-à-dire ; le shopping, la vie professionnelle et le travail, les sports, les loisirs, les voyages, le foodist (alimentation), la mode, la musique, les jeux vidéos et les réseaux sociaux. Toutes les questions de l'être et toutes les questions qui se rapportent à sa totalité sont reléguées à la vie privée, la vie personnelle et à la subjectivité.

Aujourd'hui il n'existe plus d'espace sociale et publique pour l'être ..c'est-à-dire un espace ou l'être peut exister dans la persceptive de sa totalité. Nos espaces publiques sont standardisés à des fins secondaires de l'existence. Depuis toujours nos sociétés pratiquent l'autocensure. Très jeune nous apprenons à nous autocensurer et à nous couper d'une partie de nous-mêmes. Par ailleurs, les choses n'ont pas toujours été ainsi. À d'autres moments le monde était dominé par d'autres regards sur l'être. C'est par la valorisation d'une certaine attitude que l'être a pu parfois révéler une grande partie de sa totalité et ce à des moments historiques bien précis.

Dans cette article, je tiens à introduire certaines notions de la première partie du mémoire que j'ai publié à l'UQAM en 2008. En effet, dans ce mémoire je m'intéresse au changement de perspective qui s'est opéré au niveau de la représentation sociale et de l'attitude des chercheurs, ou plutôt des "savants", des littéraires et scientifiques à cette période bien particulière qui se situe entre la fin du moyen âge Moyen Âge et le début de la Renaissance. C'est en partie grâce à l'émergence de phénomènes culturels, spirituels et scientifiques et au changement de perspective des "savants" que la Renaissance a pris son envol.

Le Moyen Âge

Le dualisme de la culture occidentale prend ses racines dans l'héritage religieux et philosophique provenant des Grecs antiques et de la culture judéo-chrétienne. Chez les Grecs, l'homme était représenté comme une créature « soma et pneuma », c'est-à-dire un corps et un esprit. Pythagore, Platon et Aristote se représentaient l'être humain et le cosmos à travers une relation bipolaire continue (Puledda, 2000). Les premiers chrétiens intégrèrent pneuma (l'esprit) à la pensée du christianisme, et l'amalgame des courants intellectuels grecs et juifs a permis l'émergence d'un esprit chrétien relativement complexe. Au Moyen Âge, la conception de l'homme et du monde est appréhendée à partir de l'espace divin. Il existe en effet un ordre dans l'espace, et l'univers est complet et fini. La conception du monde est caractérisée par le géocentrisme. Selon la théorie de Ptolémée, la Terre est immobile au centre de l'univers. Le monde médiéval se représente l'univers comme un tout, relié dans une grande chaine hiérarchique spirituelle nommée la grande chaîne des êtres divins. L'homme est un être terrestre. Loin derrière les étoiles, c'est-à-dire en dehors de l'espace physique, il existe un espace divin gradé par la présence d'êtres angéliques - les chérubins, les séraphins, les archanges, les anges, et ainsi de suite. Les humains occupent donc l'espace terrestre, un espace situé au bas de ces êtres merveilleux. À la suite des humains, on retrouve les animaux, les plantes, les minéraux et les roches. En outre, lorsque les médiévaux parlent dans les écrits de leurs emplacements, ils se perçoivent au centre de l'univers. Or, cet emplacement ne fait pas référence à la position astronomique de la Terre, mais plutôt à la position de l'homme dans l'ordre spirituel. En effet, celui-ci est au centre de l'ordre spirituel (Puledda, 2000).

En observant les toiles réalisées par les peintres, nous saisissons mieux le point de vue culturel de l'époque. On remarque en fait un rapport original entre la figure et le fond; la construction de l'espace ne se fait pas en perspective, mais par superposition de figures qui, de l'arrière vers l'avant, prennent place sur leur surface d'inscription. Ainsi les toiles ne visent-elles pas le réalisme, mais se conforment à des codes symboliques. Il s'agissait pour l'artiste de présenter l'absent ou l'invisible plutôt que de le représenter.

La Renaissance et l'humanisme historique occidental 

L'humanisme et la Renaissance se développe durant une période qui va approximativement de la deuxième moitié du XIVe siècle à la fin du XVIe siècle. La culture de l'humanisme historique occidental rejette totalement la conception médiévale et prend comme modèle, dans son effort pour ériger une humanité et une monde complétement renouvelés, la civilisation classique gréco-romaine. Au début, l'humanisme se manifeste comme un phénomène littéraire avec la découverte des œuvres classiques.

C'est à partir d'une convergence de phénomènes ; la multiplicité et la diversité des littéraires, des savants, des scientifiques et chercheurs de différents origines - Arabes, Asiatiques, Juifs et Chrétiens ; la quête des connaissances de l'antiquité, le retour aux origines et la réintroduction des potentialités de l'humanité pratiquement effacer par Moyen Âge; l'introduction de théories dites de « persceptives» dans l'art que plusieurs personnages de la Reconnaissance ont « reconstruit » et « réinterpréter » le monde.

..(..) le monde naturel n'est pas, comme le conçoit la science actuelle, pure matière inanimée, sujette à des lois mécaniques et aveugles, mais un organisme vivant, avec des énergies semblables à celles de l'homme. ..(..) Tout comme l'homme, il a du sens et de l'intelligence, il est capacle de symphaties et d'antipathies, il éprouve du plaisir et de la douleur. Selon l'hermétisme, l'univers est un individu gigantesque, pourvu d'une âme invisible qui sent et connaît -l'âme du monde - et d'un corps visible qui possède, comme le corps humain, des organes et des appareils divers. C'est donc un marco-anthrope. (Puledda, 2000 p. 69)

La Renaissance, le retour au début, constitue un retour aux Anciens et une façon de se rapporter à l'expérience d'une civilisation à laquelle sont attribuées les potentialités originelles de l'humanité - que le Moyen Âge chrétien avait détruites ou oubliées. Les hommes de la Renaissance « amènent » dans leur réalité une façon d'être. La reconnaissance de la différence entre passé et présent devient donc, à la Renaissance, la compréhension d'un flux historique que l'optique médiévale avait annulée. On retrouve l'idée d'un monde naturel qui n'est pas contraire à l'homme, mais qui le prolonge. Ainsi, les "savants" de la Renaissance ne font-ils pas de différence entre alchimie et chimie, entre astrologie et astronomie, entre la magie naturelle et la science. D'ailleurs, Newton écrit au XVIIe siècle un traité en alchimie. L'esprit et l'âme sont présents dans la nature et dans l'homme, ils ne sont pas séparés ni indifférents les uns aux autres, mais reliés.
L'homme peut lire dans la nature les signes que la main de Dieu y a placés, presque comme s'ils étaient les mots du livre sacré de la création» (Puledda, 2000, p.62).

À la Renaissance, l'homme n'est plus un être faible et méprisable mais un libre collaborateur de la divinité elle-même. Selon Puledda, la culture de l'humanisme historique occidental ne se limite pas à une imitation artificielle et vide des modèles du passé. Plutôt sa vitalité se retrouve dans le fait de savoir que le retour aux grands exemples de l'Antiquité serait totalement inutile s'il ne se traduisant pas dans une nouvelle perspective de la vie morale, politique, spirituelle, religieuse et artitisque.
Pour la culture de l'humanisme, imiter les Anciens signifie surtout éduquer les hommes nouveaux à la façon des Anciens, en cultivant ces dons, ces "vertus" qu'ils possédaient au plus haut point et dont ils avaient fait preuve dans la vie civile. C'est seulement avec des hommes ainsi formés qu'un véritable renouvellement de la société humaine deviendrait possible. (..) les studia humanitatis constituent, fondamentalement, un moyen d'éduquer la personnalité, de développer la liberté et la créativité humaine ainsi que toutes ces autres qualités qui servent à vivre heureux et honorablement dans la société des hommes (Puledda, 2000, p. 50, 52)

Le début de la révolution scientifique 

Éventuellement l'attention des Occidentaux se retourne du concept théologique de l'esprit pour se déplacer de plus en plus vers les aspects physiques et concrets. Dans son ouvrage The Pearly Gates of CyberspaceA history of Space from Dante to the Internet (2000) la scientifique anglaise Margaret Wertheim  explique que les conséquences de ce changement de perspective ont transformé non seulement la conception de l'espace des Occidentaux, mais aussi les Occidentaux eux-mêmes. Ce sont les artistes-peintres de la Renaissance qui furent les premiers à remettre en cause la conception de l'espace du monde médiéval. Ils développent des représentations en trois dimensions où le code symbolique et l'invisible sont représentés.

Par leurs « théories» de la représentation, les peintres créent l'illusion spatiale d'intégrité et de réalisme. Or, le spectateur qui regarde une toile a l'impression d'être dans la scène, puisque la réception de la représentation intègre les règles de la perspective optique. En outre, ce sont surtout les philosophes qui donnent le coup d'envoi au changement de conception de l'espace avec la rupture définitive entre la science et la philosophie.

En effet, c'est le début de la révolution scientifique, c'est-à-dire vers la fin de la Renaissance ou des changements profonds s'opèrent au niveau de la conception de l'espace et par conséquent la conception de l'homme et de l'être dans le monde. Dans son ouvrage, Margaret Wertheim explore l'espace virtuel récemment massivement diffusé en parallèle avec les différentes conceptions de l'espace ayant traversé les âges en Occident. Selon l'auteure, il est actuellement impossible de concevoir l'espace autrement que comme purement physique et matériel. Elle souligne que cette limitation doit peut-être expliquer l'engouement des Occidentaux pour l'environnement virtuel. Wertheim explique également que ce sont les tensions qui existent entre l'espace physique et spirituel qui ont marqué la culture occidentale au cours des trois derniers siècles.

Finalement elle rappelle que cette profonde dualité a permis un dédoublement de la réalité en deux parties: la matière et l'esprit. Par conséquent, cette dualité n'a pas toujours dominé la réalité des sociétés occidentales.

Dans la prochaine partie de l'article nous allons aborder d'une part l'approche mécanisme de Descartes et sa conception matérialiste en parallèle à la profonde dualité présentée par Wertheim dans son ouvrage. D'autre part nous allons voir comment l'espace alloué à l'esprit humain au début de la Renaissance a considérablement été modifié à partir de la révolution scientifique.
L'homme est l'être historique et social dont le mode d'action social transforme sa propre nature. (Puledda, 2000, p. 30)
  
(la suite à lire dans quelques jours)
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1: Il y a deux mille cinq cents ans, dans un cours magistral de psychologie descriptive, Bouddha traita de l'un des problèmes les plus importants se rapportant à la perception et à la conscience qui observe la perception. Il le fit à partir d'une méthode fondée sur les registres. (Silo,1999, p.60)

Source:
Étude du registre d'immersion et de l'État de présence interne chez les jeunes entre 11 et 15 ans qui socialisent dans l'espace virtuel, Anne Farrell, Université du Québec à Montréal, Montréal Canada, 2008.

Interprétations de l'humanisme, Salvatore Puledda, Collection Nouvel Humanisme, Éditions Références, 2000. ISBN 2-910649-06-7

Silo Parle, Recueil, d'opinions, de commentaires et de conférences 1969-1995, Silo, ISBN 2-910649-05-9, Éditions Références, Paris, 1999. ISBN 2-910649-10-5

Lettre à mes amis, À propos de la crise sociale et personnelle dans le moment actuel, Silo, Collection Nouvel Humanisme, Éditions Références, Paris, 1995

The Pearly Gates of Cyberspace, A history of Space from Dante to the Internet, Margaret Wertheim, W.W. Norton & Co, UK 2000. (livre disponible sur Amazon)


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