Les images... et le perfectionnement des réponses
(photo crédit: Marche mondiale pour la paix et la nonviolence, 2009)
Les images... et le perfectionnement des réponses
Dans ce blogue, nous poursuivons la présentation du chapitre III de l'ouvrage Dialogue et Nonviolence Active offert chez l'éditeur Henri Oscar Communication. Nous allons aborder les thèmes de la représentation, les sensations, les images et la configuration de conduites (réponses) dans le monde. Nous savons que dans les rêves et les rêveries, dans la production artistique et dans les mythes apparaissent ces images qui répondent aux tensions vitales et aux «biographies» des individus et des peuples. Ce sont ces images qui orientent la conduite individuelle et collective. Prenons par exemple, l’Eldorado, cet histoire mythique qui fait partie de la formation du «nouveau monde» de l’Amérique et du rêve américain. Pensons au discours de Martin Luther King, «I had a dream», ou encore à la production de tous ces films de science fiction qui proposent des aventures dans l’espace sidéral. Certaines de ces images nous inspirent alors que d’autres nous épuisent parce qu’elles correspondantes à une réponse qui ne concorde plus forcément à notre situation quotidienne.
Nous comprenons que les images qui accompagnent les perceptions des sens mobilisent des activités suivant le stimulus qui leur parvient. En fait, nous avons vu dans les blogues précédents que l'image est activée par la perception, et c'est celle-ci qui mobilise le corps et non la sensation ou la perception. Ainsi l’image oriente le système musculaire et celui-ci la suit. Par conséquent, ce n’est pas le stimulus qui fait bouger les muscles, mais l’image qui agit sur le système musculaire externe ou/et interne provoquant ainsi la mise en marche de nombreux phénomènes physiologiques. De ce point de vue, nous disons que la fonction de l’image est de transporter et de rendre de l’énergie au monde extérieur d’où proviennent les sensations. Par ailleurs nous disons qu'une éducation qui vise exclusivement l’externalité vide celle-ci de toutes significations. D'autre part, cette façon de concevoir les choses, c'est-à-dire sans nécessairement y inclurent l'expérience et les registres du penser, du faire et de l'agir de l'apprenant, nous amène vers une conception passive de l'éducation.
Par ailleurs, aujourd'hui « sortir l'éducation d'une conception passive » est nécessaire pour ouvrir le futur des nouvelles générations. Il est urgent de revoir les fondements et les bases pédagogiques qui orientent l'éducation. Il semble que la théorie de l’espace de représentation que propose Silo, apporte une nouvelle perspective à la psychologie. En effet, en considérant l'image comme un élément inerte la psychologie a réduit du même coup les possibilités d’amplification psychologique des individus. Par ailleurs, la théorie de l'espace de représentation nous amène vers la découverte de nouvelles réalités internes, permettant ainsi d’amplifier horizon psychologique. Dans notre prochain blogue, allons voir comment les apprenants peuvent exercer les parties centre intellectuel pour maîtriser la sélection et la brillance des images dans les actes qui accompagnent le «penser» et le faire. Maintenant nous allons davantage expliquer la fonction de l'images, des sensations et de la mémoire.
Images, mémoire et sensations
Nous savons que l’image porte une charge. En fait, l’image n’est pas un élément inerte comme le prétend certains chercheurs. Au cours de la formation du paysage de formation la biographie individuelle de l’individu s’associe à un paysage. C’est pourquoi le paysage de formation agit à travers l’individu en tant que conduite, comme façon d’être et se mouvoir entre les personnes et les choses, comme une sensibilité. À chaque jour, nous réalisons des activités en couvrant le monde de nos rêves, de nos compulsions et de nos aspirations. L’action ou l’inhibition face au monde est étroitement liée au thème de l’image, de telle façon que ses transformations sont des clés importantes dans les changements du comportement.
Par exemple, l’image du monde d’un individu est configurée par les champs de présence et de coprésence. Ainsi, quand bien même si, les statisticiens et les sociologues nous ont expliqué à maintes reprises que le taux de criminalité a baissé, les individus ressentent tout de même cette « insécurité » face à l’imprévisibilité des événements qui se déroulent à travers le monde et dans leurs vies actuellement. Conséquemment, nous observons que ce sont les représentations qui forment la perception à tout moment.
Ainsi, les images permettent de mouvoir le corps et mobiliser les centres de réponse afin d’éloigner ou rapprocher la structure psychophysique des stimuli, selon leur nature douloureuse ou plaisante. Par exemple, dans la peur c’est tout le corps qui se mobilise. Conséquemment, nous disons qu'«être dans la peur» correspond à un état de conscience, tout comme la conscience attentive, la conscience expectative, etc. Nous disons que les images permettent de mouvoir le corps dans une direction ou dans une autre. Par conséquent, les images ne sont pas simplement visuelles ; les images sont tactiles, auditives, gustatives, cénesthésiques et kinesthésiques. Les images correspondent à des sens externes différents, et étant donné qu’il existe aussi des sens internes, corrélativement se produisent des images dont la charge se dirige vers l’intérieur, et, ce faisant, réussissent à diminuer ou à augmenter les tensions de l’intracorps. La transformation des images et les transferts de leurs charges étant possibles, il faut en conclure que des changements de conduite peuvent alors se produire. L’étude des centres de réponses et le travail avec les images se retrouve au centre de la pédagogie de l’intentionnalité
Le perfectionnement des réponses
La pédagogie de l’intentionnalité propose des pratiques de perfectionnement des centres. Ces pratiques sont tirées de l’ouvrage L’auto-libération de Luis Amman. Amman est né en Argentine. Il est spécialisé en linguistique et a développé au cours des années 1970 un système appelé d'auto connaissance appelé l’auto-libération. C'est sous le régime militaire argentin que Amman met sur pied ses techniques avec d'autres chercheurs et des étudiants.
La gymnastique psychophysique qu’il propose vise à augmenter la maîtrise de soi dans la vie quotidienne. Cette gymnastique permet de rétablir l’équilibre entre le mental, le corps et les émotions. Le système d’auto-connaissance propose des pratiques telles que : la gymnastique psychophysique, les exercices de perfectionnement de l’attention, le travail autobiographique, les techniques de conversation des images et les pratiques de catharsis et de transferts pour améliorer le comportement.
Actuellement, il existe plusieurs programmes scolaires qui valorisent la santé, les saines habitudes de vie ainsi que la vigueur du mental. Tous ces programmes sont importants, par conséquent souvent, les responsables de programmes omettent d’y intégrer des activités d'auto-connaissances qui permettent à l'apprenant d'acquérir des expériences et des connaissances pour le maintient d'une équilibre entre les émotions, le corps et le mental. Nous savons qu’il n’y a rien de mieux que d’exercer le corps pour rétablir l’équilibre du mental. Mais à la différence du sport et de la gymnastique, les exercices psychophysiques permettent à celui qui les pratique de mieux comprendre les points qu’il doit travailler afin d’obtenir une meilleure maîtrise de son corps et des centres de réponses.
Au chapitre IX nous proposons une série d’exercices qui permet aux apprenants d’explorer les relations qui existent entre la respiration, les états d’âmes et les postures corporelles. Lorsque les apprenants auront mieux compris ces relations ils pourront modifier plus facilement leurs états âmes négatifs tout en adoptant par exemple une posture appropriée ou encore en modifiant la respiration. Mais, attention, il ne faut pas croire que ces modifications s’obtiennent instantanément, puisque tout survient avec un retard de quelques minutes.
En fait si mon état d’âme est négatif, il y aura de la confusion dans mes idées et j’aurai sûrement des difficultés à effectuer correctement mon travail. Éventuellement ma position corporelle deviendra incorrecte et ma respiration sera déficiente. Je peux décider de me mettre à marcher pour modifier ma posture. Mais, j’observe que l’état négatif se maintien dans son inertie pour un certain moment. Par ailleurs, si je maintiens une attitude corporelle appropriée, je vérifie qu’après quelques minutes mon état d’âme commence à changer dans un sens positif.
Dans les exercices, les élèves apprendront à reconnaître à corriger la posture et à exercer correctement le système respiratoire. Ils pourront comprendre que tout est lié et expérimenter comment les activités intellectuelles, émotives et motrices peuvent à se déployer de manière plus équilibrée. De façon générale, la physiologie explique comment les activités humaines sont régulées par les centres nerveux et glandulaires. Tandis que l’éducation à la nonviolence Active s’attarde à ce qui distingue les centres nerveux.
(photo crédit - Anne Farrell atelier d'éducation à la nonviolence Active)
Les centres de réponses
Le centre intellectuel : il régule l’élaboration des réponses pensées, la relation entre les différents stimuli.
Le centre émotif : il régule les sentiments et les émotions en tant que réponses à des phénomènes internes et externes.
Le centre moteur : il régule la mobilité de l’individu et les opérations corporelles.
Le centre végétatif : il régule l’activité interne du corps. Les centres travaillent à partir de vitesses différentes, le plus lent étant le centre intellectuel tandis que le plus rapide est le centre végétatif. En règle général, un changement végétatif modifie le fonctionnement des autres centres et répondent à ce changement avec plus de lenteur par exemple la maladie limite la rapidité des mouvements et mon activité intellectuelle.
Dans ses travaux Amman explique le travail de chaque centre. En fait, les centres ne travaillent pas isolément car ils existent en symbiose les uns en rapport aux autres. Ainsi le travail incorrect d’un centre entraînera le dysfonctionnement dans les autres. Ce dysfonctionnement varie selon le travail du centre : 1. en surcharge (c’est à-dire qu’il déborde sur d’autres centres), 2. ayant une décharge excessive (aspirant l’énergie des centres les plus proches), où encore si 3. le centre bloque le passage d’énergie vers les autres centres. Et chaque centre possède des parties et des sous- parties.
Tableau 2. Centre intellectuel
Partie Aspect (type de réponses)
Intellectuelle abstractions
Émotive intuition
Motrice attention motrice
Végétative tendances organiques
Tableau 3. Centre émotif
Partie Aspect (type de réponses)
Intellectuelle habitudes intellectuelles (intérêts et curiosités)
Émotive habitudes émotives
Motrice habitudes de mouvements
Végétative habitudes végétatives
Partie
Aspect
Tableau 4. Centre moteur
Partie Aspect (type de réponses)
Intellectuelle images
Émotive passions
Motrice réflexes acquis
Végétative réflexes non acquis
Les centres supérieurs peuvent agir sur les centres inférieurs uniquement grâce à leur partie motrice. Un centre (mais aussi une partie et une sous-partie) peut travailler de façon négative (en aspirant l’énergie d’un autre centre) ou de façon positive (en donnant de l’énergie à un autre) jusqu’à ce que finalement il se décharge. Par exemple, un changement de posture, mènera après un certain temps à un changement émotif et d’état âme. On constate qu’il existe une relation entre état d’âme, la posture corporelle et la respiration.
Par exemple, si on prête une attention intellectuelle à une émotion, celle-ci se ralentit ; le même phénomène se produit au niveau corporel. Nous avons vu comment les centres «inférieurs» gouvernent habituellement les centres supérieurs. Il est dont plus facile de modifier une émotion qu’une idée. D’autre part, il est assez fréquent que les émotions négatives bloquent le centre intellectuel tandis que des émotions positives le dynamise. En somme, nous comprenons l’intérêt et l’importance de promouvoir des émotions positives et d’encourager un climat de collaboration en classe. L’apprenant enregistre mieux les apprentissages s’il est entouré d’un climat agréable que s’il est entouré d’un climat de méfiance et concurrence.
Si on admet des parties dans chacun des centres, de la même manière chacune d’elles comprennent des sous-parties. Mais nous donnerons qu’un seul exemple et expliquons les sous parties des parties du centre intellectuel.
Tableau 5. Centre intellectuel - Sélecteur
Partie Sélecteur (type de réponses)
Intellectuelle sélection des données abstraites
Émotive sélection des intérêts intellectuelles
Motrice sélection des images
Disons que j’évoque l’image d’une certaine maison, mais c’est une autre maison qui apparaît, et puis l’image de la maison se confond avec un autre objet, nous disons que c’est la sous-partie sélecteur de la partie motrice du centre intellectuel qui doit être exercée.
En fait, l’éducation à la nonviolence Active propose des exercices pour le perfectionnement des parties et sous-parties, (voir chapitre IX).
Tableau 6. Centre intellectuel - Adhésifs
Partie Adhésifs (type de réponses)
Intellectuelle maintien de l’acte de raisonner
Émotive maintien de l’intérêt intellectuel
Motrice maintien des images
Par exemple, si j’imagine la même maison et que sa brillance est correcte mais que celle-ci apparaît et disparaît nous disons que c’est le maintien et la conservation de l’image qui devront être corrigé. Dans ce cas c’est la sous-partie adhésive de la partie motrice du centre intellectuel qui doit être travaillée.
Tableau 7. Centre intellectuel - Élévateurs
Partie élévateurs d'énergie (type de réponses)-
Intellectuelle énergie dans l’acte de penser
Émotive énergie dans les intérêts intellectuels
Motrice brillance des images
Si j’imagine encore la maison mais que l’image est faible et n’a pas de brillance, nous disons que c’est que la sous-partie de l’élévation de la partie motrice du centre l’intellectuel qui n’a pas été assez exercée. Le perfectionnement des parties et sous-parties des centres. Les difficultés que l’apprenant expérimente dans le fonctionnement d’une partie, d’une sous-partie et d’un centre est simplement dû au manque de pratique.
Les activités du programme d’éducation intégrale à la nonviolence Active permettent à l’apprenant de perfectionner de manière soutenue le fonctionnement des sous-parties, des parties et des centre de réponses. En effet, les séries d’activités pratiques permettront à l’apprenant d’améliorer sa performance intellectuelle, sa flexibilité émotive, corriger la posture et la respiration.
Finalement nous disons que chaque centre possède des cycles de fonctionnement de charge et de décharge qui représente le biorythme particulier d’un individu. De manière générale, il y a des heures plus appropriées que d’autres pour faire de l’exercice, pour étudier et pour dormir, pour se nourrir, etc.
Nous savons que nous enregistrons mieux les expériences de la vie quotidienne lorsque le stimulus est plaisant et quand l'environnement est aimable et solidaire. Plus c'est plaisant et plus les apprenants pourront apprendre tout en ayant une attention distendue.
En fait, plus les apprenants sont formés à partir d'un registre de relâchement, et plus le mécanisme de la réversibilité de la conscience devient fluide. En fait, nous savons qu’il est difficile pour un apprenant de fixer son attention alors qu'il expérimente une situation dans laquelle l'activité du penser est reliée à des tensions corporelles à caractère musculaire.
Voilà pourquoi les pratiques de relaxations du corps et les pratiques de relaxation mental devront être réalisées régulièrement.
Comme expliqué précédemment ces travaux Amman explique l’existence d’une impulsion perceptive qui se dédouble et qui se dirige à la fois vers la conscience et la mémoire. Il explique comment la conscience analyse et compare l’impulsion avec les données antérieures.
Ainsi lorsqu’il n’y a pas de données antérieures, la donnée première qui surgira mettra en marche des mécanismes de corrélation avec des données antérieures qui s’en rapprochent. Mais lorsque des images correspondantes elles déclenchent des réponses et agissent sur les centres et les mobilisent. En fait, ce processus de formalisation des images suppose l’activation de parties et de sous-parties des centres de réponses.
Il est certain, que l’on apprend parce qu’on reçoit des données, mais celles-ci ne demeurent pas seulement dans la mémoire puisqu’elles correspondent toujours à une image qui impulse à son tour une nouvelle activité (comparaison, réfutation, hypothèses, association, différenciation, synthèse, etc.).
Finalement, nous remarquons que dans l’histoire, la pédagogie à souffert d’un grand préjugé selon lequel on apprend les choses simplement par le fait de les penser et de les mémoriser. C’est peut-être pour ces raisons les chercheurs ne se sont jamais penchés sur le dédoublement de l’impulsion perceptive.
Pour conclure, ce chapitre, nous disons que le perfectionnement des des parties et des sous-parties des centres de réponses favorise le travail de l’attention, l’équilibre entre la motricité et les émotions et l’activité intellectuelle. Les éducateurs et les enseignants pourront intégrer des pratiques de perfectionnement comme projet de classe. Au prochain chapitre, nous allons aborder les bases éthiques de l’éducation à la nonviolence Active.
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Source : Contrer l'intimidation Dialogue et nonviolence Active 2e édition, Anne Farrell, 2016, Collection Éducation à la nonviolence, Henri Oscar Communication, 177 p.,
ISBN: 978-2-924100-11-0.
L'auto-libération, Luis Amman.
L'auto-libération, Luis Amman.
Note:
Le registre signifie l’expérience vécue de l’apprenant. Le registre est une structure accompagnée d’un souvenir ou d’un élément imaginaire. Le registre est activé par des impulsions qui proviennent des sens internes et externes de la structure psychophysique.