Le paysage humain: paysages et regards



(Manhattan Bridge, wikipédia) 


I. Les paysages et les regards



1. Reprenons ce que nous avons déjà dit à propos des paysages et des regards : " Paysage extérieur, c'est ce que nous percevons des choses ; payages intérieur, c'est ce que nous e filtrons avec le tamis de notre monde intérieur. Ces paysages ne font qu'un et constituent notre indissoluble vision de la réalité. "

2. Un regard naïf percevant les objets extérieurs peut déjà amener à confronde "ce qui se voit" avec la réalité elle-même. Un autre ira plus loin en croyant qu'il se souvient de la "réalité' telle qu'elle fut. Et un troisième confrondra son illusion, son hallucination ou les images de ses rêves avec des objets matériels (alors qu'en réalité ces derniers ont été perçus et transformés suivant divers états de conscience).

3. Lorsque les objets perçus auparavant apparaissent déformés dans les souvenirs et dans les rêves, cela ne semble pas poser de problèmes aux gens raisonnables. Mais que les objets perçus soient toujours couverts du manteau multicolore d'autres perceptions simultanées et de souvenirs qui agissent au même moment; que percevoir soit une façon globale d'être parmi les choses, un ton émotif et un état général de son propre corps .. cela, en tant qu'idée, désorganise la simplicité de la pratique quotidienne et la façon de faire avec et parmi les choses.

4. Il arrive que le regard naïf saisisse le monde "extérieur" avec sa propre douleur ou sa propre joie. Je ne regarde pas seulement avec l'oeil, mais aussi avec le coeur, avec le doux souvenir, avec l'abominable soupçon, avec le froid calcul, avec la secrète comparaison. Je regarde à travers des allégories, des signes et des symboles que je ne vois pas dans le regarder, mais qui agissent sur celui-ci, de la même façon que je ne vois pas l'oeil, ni l'action de l'oeil quand je regarde.

5. Ainsi, en raison de la complexité du percevoir, quand je parle de réalité extérieure ou intérieure, je préfère le faire en utilisant le mot "paysage" au lieu du mot "objet". On comprendra que je désigne des blocs, des structures et non l'individualité isolée et abstraite d'un objet. De plus, il est important de souligner qu'à ces paysages correspondent des actes de percevoir que je nomme "regards" (envahissant ainsi, peut-être illégitimement, de nombreux domaines qui ne se rapportent pas à la visualisation). Ces "regards" sont des actes complexes et actifs, organisateurs de "paysages", et non de simples actes passifs de réception d'informations extérieures (données qui parviennent à mes sens externes) ou intérieures (sensation de mon propre corps, souvenirs et aperceptions). Inutile de dire que dans ces implications mutuelles de "regards" et de "paysages", les distinctions entre l'intérieur et l'extérieur s'établissent selon des directions de l'intentionnalité de la conscience et non comme le voudrait le schématisme naïf que l'on présente aux écoliers.

6. Si l'on a compris ce qui précède, quand je parlerai de "paysage humain", on comprendra que je fais référence à un type de paysage extérieur constitué de personnes, et aussi de faits et d'intentions humaines concrétisés en objets, même si parfois l'être humain en tant que tel n'est pas présent.

7. De plus, il convient de faire la distinction entre monde intérieur et "paysage intérieur", entre nature et "paysage extérieur", entre société et "paysage humain", en soulignant que mentionner paysage inclut toujours celui qui regarde ; au contraire, dans les autres cas, monde intérieur (ou psychologique), nature et société apparaissent naïvement comme ayant une existence propre, comme exempts de toute interprétation.   


(Wikipédia - le « troisième œil » représenterait selon les interprétations le regard intérieur, ou le  chakra Ajna, ou encore la glande pinéale)

II. L'humain et le regard extérieur


1. Cette affirmation selon laquelle "l'homme se constitue dans un milieu" et que graĉe à un tel milieu (naturel pour les uns, social pour les autres et les deux pour d'autres encore) l'être humain se "constitue'(?) ne nous dit rien de substantiel. Une telle inconsistance s'aggrave si on met en valeur la relation qu'induit le terme "constitue", qui suppose admise la compréhension des termes "hommes" (ce qui est à l'intérieur ou bien submergé par le milieu) et "milieu" (ce qui entoure ou submerge l'être humain). Nous continuons donc, comme au début, à tourner dans la vacuité. En outre, nous remarquons que la mise en relation des deux expressions fait référence à des entités séparées et qu'il existe une intention d'unir cette séparation par une relation truquée avec le mot "constitue" qui a des implications de genèse, c'est-à-dire d'explication depuis le plus originel (depuis son origine).

2. Ce qui précèdre serait sans intérêt si cela ne nous était pas présenté comme un paradigme de différentes assertions qui, durant des millénaires, ont présenté une image de l'être humain vu à partir des choses et non du regard qui regarde les choses. Car dire "l'homme est l'animal sociale" ou dire "l'homme est fait à l'image de Dieu" place la société ou Dieu comme ceux qui regardent l'homme, alors que la société et Dieu se conçoivent, se nient ou s'acceptent uniquement à partir du regard humain.

3. Et ainsi, dans un monde ou depuis les temps les plus anciens s'est installé un regard inhumain, se sont installés également des comportements et des intitutions qui anéantirent l'humain. De même, dans l'observation de la nature, on s'est interrogé, entre autres, sur la nature de l'homme et l'on à répondu comme l'on répond à propos d'un objet naturel.

4. Même les courants de pensée qui présentaient l'être humain comme susceptible de se transformer ont travaillé en pensant l'humain à partir du regard extérieur, de différentes positions du naturalisme historique.

5. C'est cette idée sous-jacente de "nature humaine" qui a correspondu au regard extérieur sur l'humain. Mais sachant que l'homme est l'être historique dont le mode d'action sociale transforme sa propre nature, le concept de "nature humaine" apparaît subordonné à l'activité, à l'existence, et soumis aux transformations et aux découvertes que cette existence oriente. C'est ainsi que le corps, comme prothèse de l'intention, s'étend dans ses potentialités en humanisant le monde. Ainsi ce monde ne peut plus être vu comme simple extériorité mais comme "paysage" naturel ou humain, soumis à des transformations humaines, actuelles ou possibles. C'est dans ce faire que l'homme se transforme lui-même. 

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Référence : extrait tiré de l'ouvrage Humaniser la Terre, Silo, collection Nouvel Humanisme. Éditions Références. Pour vous procurez l'ouvrage : www.educationnonviolence.ca









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