Qui suis-je .. où vais-je .. quelle est mon utilité psychologique ?

(Wikipédia, Eric Diesel, Déshumanisation animale et mécaniste)

L'homme "mi-robot & mi-prométhée" dont l'esprit est enfermé dans un cerveau est aussi un être sensible traversé par des crises morales et personnelles. Ces crises ne peuvent se résoudre simplement par les fonctionnalités de "son cerveau" et par ses habilités sociales. 

(Partie III)


Les forces antihumanistes ont même souvent revêtu le masque de l'humanisme pour agir derrière cette couverture, et c'est en son nom qu'elles ont mené à terme leurs obscurs projets. Le véritable humanisme est alors resté au fond de la conscience humaine, dans les esprits des meilleurs représentants de la pensée, en tant qu'idéal, objectif et sens de l'action sociale auxquels ils aspirent. (Puledda, 2000, préface Mickhaïl Gorbachev p. 8)


Dans les articles précédents nous avons brièvement expliqué les conceptions de l'esprit, de l'âme, de la matière et de l'espace ayant dominé les âges, c'est-à-dire, le Moyen Âge, la Renaissance et la révolution scientifique jusqu'à nos jours. Par exemple, nous avons vu qu'il existait à la Renaissance un espace symbolique continu entre le divin et la matière, entre les « cieux », les anges, les hommes, les animaux, les plantes et les minéraux.


Par la suite, nous vu comment l'homme a exploré l'entièreté de la matière - du microscopique au macroscopique. Grâce à l'avancée des sciences naturelles et des sciences physiques ainsi qu'au développement des techniques (tekné et logos, dissertation sur un art, exposé des règles d'un art) et des machines, l'homme a considérablement transformé son existence et les cultures. 


Mais, nous avons aussi démontré qu'en focalisant essentiellement sur l'externalité et la matérialité des phénomènes, l'espace symbolique ainsi qu'une grande partie de l'espace des intangibles de l'existence humaine ont progressivement disparu. Finalement, nous avons expliqué que les crises morales et personnelles ne peuvent pas se résoudre par les fonctionnalités du cerveau et les habiletés sociales de l'homme.¨


Être mi-robot et mi-prométhée

(Partie III)

Selon Puledda, la conception la plus répandue de l'homme est celle de la machine biologique, être mi-robot et mi-prométhée. Cette conception apporte peu d'indices et de contenus à la réflexion de l'homme sur le sens de son existence. Aujourd'hui, c'est le côté mi-robot qui prédomine dans nos sociétés. Malheureusement, cette partie de l'homme nous renvoie l'image d'une vie standardisée et presque totalement dépendante d'un système centralisé. Par exemple, nous observons la standardisation des modes de vie, des identités urbanisées, des projets, ainsi que l'homogénéisation de la pensée, c'est-à-dire un raisonnement en boucle fermé - de pas à pas- favorisant l'émergence d'une culture d'hommes "clonés". Tandis que l'autre côté, la partie 'mi-prométhée' nous renvoie l'image de "possibilités", de "futur" et de "prévoyance". Mais cette autre facette de l'homme, cette autre partie "mi-promothée" est moins visible. Elle vit dans l'intangible et dans l'invisible. C'est cette partie de l'homme qui lui permet de construire temps et histoire. Rappelons que la mythologie grecque cite Prométhée. Il est un titan, prénommé le 'prévoyant'. En effet, plusieurs interprétations mythologiques lui donnent le titre de sauveur de l'espèce humaine. Prométhée se moqua des dessins sacrés et volant dans un jonc creux le feu des dieux, et il le remit dans les mains des hommes.1


Aujourd'hui, l'homme - la machine biolobique, mi-robot et mi-prométhée - est immergé dans le travail, dans le shopping, dans la musique, dans le web, dans les selfies, dans les sports, dans les dettes et d'autres sens provisoires. Quand l'homme s'arrête et réfléchit en "dehors" du provisoire - il ressent le vide et le non-sens intérieur. Fort heureusement, l'homme est un être sensible traversé par les crises morales et personnelles. Grâce à cette partie mi-promothée, l'homme se questionne sur le non-sens et le vide. Comment trouver l'être et l'âme? Ou se cachent-ils? Devant moi, est-ce qu'ils sont futur? Derrière moi, est-ce qu'ils sont passé? Est-ce qu'ils sont passé, présent et futur -est-ce qu'ils sont tous à la fois? Dans quel espace se révèlent-ils?


Quand nous observons l'homme non pas du point de vue physiologique mais plutôt existentiel, nous le retrouvons en situation par rapport à des phénomènes personnels, culturels, environnementales, historiques, scientifiques, morales, politiques, religieux, économiques, etc. Ces phénomènes qui, à commencer par le corps de l'homme sont inévitables et font partie de son existence sans pour autant définir son essence ou son devenir.


Quelle est mon utilité psychologique?

Lorsqu'il s'observe en dehors du provisoire l'homme ressent un certain vertige2 c'est le vide. Les sens provisoires ne peuvent remplir le vide qu'il ressent. Sans "espace intangible et symbolique" pour appréhender ce phénomène l'homme demeure prisonnier du vide, il est seul.  

La question qui résonne du lointain concerne l'utilité psychologique de l'homme. En effet, mais quelle est mon utilité psychologique? Quel est le sens de tout ça? Il y a 2,400 ans, Socrate proposa un style de questionnement et révolutionna la morale. Pourtant, Socrate ne traitait pas de vérités métaphysiques mais bien de la valeur de l'existence et une certaine forme d'autocritique. Nosce te ipsum « Connais-toi, toi même ». Son intérêt était porté vers une forme de dialogue bien particulier appelé l'elenchos. Cette forme de dialogue ne devait pas dépasser le dialogue lui-même. Socrate faisait preuve de sophia, c'est-à-dire de sagesse, de savoir ou de savoir-faire). Socrate centra sa recherche sur l'homme, sur l'âme de l'homme et sur la réalité immatérielle. Il postula que l'âme pouvait accéder aux réalités du monde des idées, un monde en dehors du monde matériel.  Il introduit l'elenchos, le dialogue avec soi-même et avec autrui. Pour ses positions idéologiques, Socrate fut condamné à mort. Il menaçait l'ordre de la cité athénienne. En effet, il a eu l'audace d'invoquer cette puissance intérieur plutôt que de se référer aux devoirs dictés par la religion et par l'ordre traditionnel de la communauté. Durant son procès, Socrate fut accusé de corrompre la jeunesse et accusé d'athéisme.

Selon les conseils du sage Socrate, la meilleure chose que l'homme doit faire est de devenir vertueux. Par exemple, dans le Charmide3, on affirme cette nécessité, du rapport à autrui, pour se connaître soi-même. Selon Socrate, laissée à elle-même, l'âme se fait des illusions sur la réalité et sur les connaissances. Selon lui, seule la pratique de l'elenchos peut dissiper les illusions sur la réalité. Cependant, pour se connaître soi-même il faut d'abord étudier notre rapport à l'autre pour ensuite entamer un dialogue. Mais qui est cet autre?

«(..)lorsque je parle de violence, ne crois pas que je me réfère uniquement à la guerre et aux armes avec lesquelles les hommes détruisent d'autres hommes; ceci est une forme de violence physique. Il existe d'autres formes de violence comme celles imposées par la morale des philistins; tu veux imposer ta manière de vivre à l'autre, tu dois lui imposer ta vocation .. Mais qui t'a dit que tu es un exemple à suivre? Qui t'a dit que tu peux imposer une façon de vivre parce qu'elle te plaît? Ou est le moule, ou est le modèle pour que tu l'imposes? Ceci est une autre forme de violence. »(Silo, Le Sage de la Montage, 2012, p. 7)

Aujourd'hui « l'apprentissage du dialogue, c'est-à-dire la connaissance de soi-même, « le connais-toi toi même », est peu valorisé comme attitude et connaissance dans le programme national des systèmes d'éducation. Pourtant plus on valorise la connaissance de soi-même et la valeur de l'existence humaine à travers les arts, la littérature, l'histoire, des cultures et les technologies et plus notre dignité et celle de l'autre s'amplifient simultamément. Notre savoir s'amplifie lorsqu'il y a dialogue avec l'autre. Par ailleurs, plus on cherche à contrôler l'autre ou à se débarrasser de la diversité de l' "autre" et plus on réduit les possibilités de s'humaniser et de résoudre les problèmes culturels et sociaux de plus en plus complexes et de plus en plus globalisés. Dans son ouvrage, Puledda nous rappelle l'importance de la reconnaissance de la diversité du « tu » et du « nous ». Il insiste sur l'importance du dialogue pour résoudre les conflits qui se développent à une vitesse grand V entre les «Super puissances » du siècle dernier - (guerre froide 1945-1991).(Nouvelle appellation Cold War 2.0)

Combien de temps faudra-t-il pour comprendre qu'une culture et ses schémas intellectuels ou comportementaux ne sont pas les modèles que doit suivre l'ensemble de l'humanité? Je dis cela car il est peut-être temps de réfléchir sérieusement au changement du monde et de nous-mêmes. Il est facile de prétendre que les autres doivent changer; seulement les autres pensent la même chose. N'est-ce donc pas l'heure de commencer à reconnaître « l'autre » la diversité du « tu »? Je crois que le thème de changement du monde se pose aujourd'hui avec plus d'urgence que jamais; mais pour être positif, ce changement doit aller de pair avec le changement personnel. (..) Aujourd'hui, face à la submersion de la raison, face à la croissance du symptôme néo-irrationalisme qui semble nous envahir, on entend encore les échos d'un rationalisme primitif dans lequel furent éduquées plusieurs générations. Beaucoup semblent dire : « nous avions raison de vouloir en finir avec les religions car si nous étions parvenus, il n'y aurait pas aujourd'hui de luttes religieuses; nous avions raison d'essayer de nous débarrasser de la diversité car, si nous avions réussi, le feu de la lutte inter-ethnique et culturelle ne serait pas déclaré! » Mais ces rationalistes n'ont pas réussi à imposer leur culte philosophique unique, ni leur style de vie unique, ni leur culture unique; et c'est cela qui compte. Ce qui compte, c'est surtout la discussion pour résoudre les sérieux conflits qui se développent dangereusement aujourd'hui. (Puledda, 2000, p .238)

Il semble que la partie de l'homme "mi-robot, machine biologique", soit celle qui ai été privilégiée par les rationalistes à culte philosophique unique. En effet, ces rationalistes semblent éviter toutes formes de reconnaissance de diversité personnelle. 

Dans les prochains articles nous allons présenter l'antihumanisme, l'humanisme et l'existentialisme de Jean-Paul Sartre et l'humanisme universaliste. Par la suite, nous allons présenter l'humanisme contemporain. Tandis que les prochains articles traiteront de quelques concepts élaborés dans les travaux de Silo : l'image et l'intentionnalité de la conscience ; le paysage de formation; l'espace de représentation et la conscience "inspirée" comme état de conscience inhabituel. La conscience "inspirée" - est décrite comme "le monde des Idées"; c'est-à-dire ce monde dont la réalité est hors du temps et de l’espace habituel. 

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Notes
1 : Mythes Racines Universels, Collection Nouvel Humanisme 
Aujourd'hui, alors que la globalisation porte atteinte à l'dentité essentielle des différents communautés ethniques et sociales, le moment est peut-être venu que les anciens mythes parlent à nouveau. (collection Éditions Références, le nouvel humanisme disponible sur le site www.educationnonviolence.ca)




2 :Le vertige ici nous définissons le vertige selon les travaux et ouvrages d'Albert Camus, Joseph Hermet "À la rencontre d'Albert Camus et le dur chemin de la liberté", 1970, Centre National des lettres, Paris, France

3 :Charmide Le Charmide ou livre Sur la sagesse est un dialogue de Platon. Il appartient à la série dite des « Premiers Dialogues », composés à l’époque où l’auteur était encore jeune.


Ouvrages de références disponibles sur le site    www.educationnonviolence.ca

Anne Farrell, Le sage de la Montagne, Henri Oscar Communication, 2012, p. 24















Salvatore Puledda, Interprétations de l'humanisme,  collection Nouvel Humanisme, éditions références, 2000, p. 243













Silo, Notes de Psychologie, éditions références, 2013, p. 347


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