Non à la participation du Canada aux opérations militaires !
Mardi
le 30 septembre, le gouvernement Harper doit annoncer si le Canada
participera ou non aux opérations militaires en Irak. En tant que canadienne et directrice de la collection éducation à la non-violence, je suis totalement en désaccord
avec la participation du Canada à des opérations militaires. Par ailleurs, je suis pour que le Canada alloue un certain appui financier et surtout de l'aide humanitaire à la mission de la coalition en Irak. Mais selon les thèmes qui seront établis par les membres à la chambre des communes - les députés démocratiquement élus par les canadiens. Le Canada doit participer à cette mission en respectant les résolutions des Nations Unies.
Il ne faut surtout pas que ces opérations prennent une dérive vers une autre guerre! Car soyons bien clairs et appelons les choses par leurs noms. En choisissant exclusivement l'option militaire les américains et les membres de la coalition choisissent-ils encore une fois la guerre? Dans la situation actuelle est-ce que, seule, l'option militaire est suffisante pour éliminer les racines du fanatisme?
Il ne faut surtout pas que ces opérations prennent une dérive vers une autre guerre! Car soyons bien clairs et appelons les choses par leurs noms. En choisissant exclusivement l'option militaire les américains et les membres de la coalition choisissent-ils encore une fois la guerre? Dans la situation actuelle est-ce que, seule, l'option militaire est suffisante pour éliminer les racines du fanatisme?
Parce qu'en faisant le choix de l'option militaire les occidentaux choisissent du même coup la destruction de milliers de jeunes en provenance de tous les horizons de l'occident. Ces jeunes poussés par l'affaiblissement des forces morales et éthiques, par le désespoir et la désillusion ambiante de l'occident choisissent de se ranger du côté de l'extrémiste.
Évidemment
qu'il faille faire quelque chose pour stopper l'avancée de cet
extrémiste ultra-violent! Évidemment qu'il faille porter des actions envers ces groupes qui sèment la terreur et tuent femmes et enfants.
Mais pourquoi le gouvernement canadien n'a t-il pas envoyé des émissaires pour "araisonner" ces jeunes avant qu'ils ne s'engagent dans ces groupes de fanatiques? Pourquoi nos gouvernements ne font-ils pas l'effort de comprendre le nouveau
paysage global qui se dessine devant nous et dans lequel les jeunes
sont aujourd'hui formés ?
"Il est nécessaire de limiter les dommages et réduire le nombre de victimes. Si dans un conflit une des parties est décidée à infliger la mort et la violence à l’autre partie, le devoir de la communauté internationale est d’intervenir pour prévenir cela lorsque les forces de sécurité nationales sont incapables de protéger leur propre peuple.
Par conséquent, nous appelons à la mobilisation d’une force financée internationalement en si grand nombre, que les parties en conflit n’aient d’autre choix que de se désarmer. Le rôle d’une telle force n’est pas celui d’une force armée en faveur d’un gouvernement actuel ou de ses adversaires. Son rôle est neutre, avec le pouvoir de désarmer les adversaires armés, par la force si nécessaire, et avec un autre rôle beaucoup plus essentiel, celui d’évacuer les civils." (Position de l'organisation Monde Sans Guerres et Sans violence)1
Nos gouvernements pensent-ils sérieusement qu'en tuant ces jeunes ils tuerons l'extrémiste et le fanatisme? Pensent-ils qu'en contrôlant les déplacements, les passeports et les accès à l'Internet ils
contrôleront l'expansion du fanatisme? Certainement pas! Il me semble
qu'ils répondent à ces événements à partir d'une sensibilité
d'une autre époque.
Le paysage de formation2 et la désorientation
Tandis que les scientifiques ont cessé de croire qu'ils observaient la réalité « même ». Aujourd'hui ils se soucient davantage à comprendre comment leurs "propres" observations interfèrent avec les phénomènes étudiés. Autrement dit ils reconnaissent que l'observateur introduit des éléments de son propre « paysage de formation » et que ces éléments n'existent pas forcément dans le phénomène étudié. Quand les gouvernements vont-ils réaliser que le regard qu'ils portent pour interpréter les événements actuels est souvent inadéquat?
En effet, les générations au pouvoir et les anciens militants ont été formé à partir d'éléments d'un paysage politique, culturel et idéologique portant une sensibilité asymétrique, polarisée, fortement paranoïaque et suspicieuse. Par exemple, la crise des missiles à Cuba relate bien cette sensibilité. Mais le monde d'"avant" n'existe plus. Ce monde donc le paysage socio-politique était essentiellement dessiné par la « guerre froide », la course aux armements et par des organisations sociales et politiques à hiérarchies verticales rigides .. n'y est plus. À cette époque, d'un côté nous avions le néo-libéralisme triomphaliste à tendance néo-colonialisme et de l'autre le socialisme «réel» et le régime soviétique. Fort heureusement ce paysage portait certaines couleurs "libératrices"; le Ché gue vara; le mouvement « peace & love »; Woodstock ; la libération sexuelle ; mai 68' ; le printemps de Prague 67' ; le premier être humain à marcher sur la lune; les manifestations anti-guerre (Vietnam) ; le mouvement féministe ; la conduite à moto sans casque; la conduite automobile sans le port de la ceinture obligatoire et l'avancée des droits et libertés des minorités (Martin Luther King).
Aujourd'hui ce monde n'est plus présent, "là" devant nous. Mais c'est plutôt sa sensibilité qui continue à s'exprimer à travers les générations d'hommes et de femmes formées dans ce type de paysage. C'est ce regard qui continue à s'exprimer, et ce, même si les murs idéologiques sont tombés depuis un certain temps.
Malgré ce déphasage des paysages entre les générations, la situation actuelle impose des questions d'urgence qui doivent être adressées, elles portent sur la décentralisation face à la centralisation, la liberté humaine face à l'oppression et celle du sens de la vie face à la résignation, la complicité et l'absurde. En effet, aujourd'hui ces questions prennent tout leurs sens alors que nous sommes devant un système donc certains éléments sont placés en rapport dialectique et laissant le champ libre aux forces centrifuges et désintégratices. Évidemment
les tenants des anciennes idéologies rigides voudront imposer des
réponses à ces nouveaux phénomènes. Mais en faisant de la sorte,
ils ne feront qu'ajouter d'autres problèmes à un monde déjà bien
assez compliqué!
Lorsque, le caractère inattendu de l'actualité nous empêchera de prévoir la direction que vont prendre les événements le thème de «paysage de formation » deviendra alors de plus en plus en vogue.
Lorsque, le caractère inattendu de l'actualité nous empêchera de prévoir la direction que vont prendre les événements le thème de «paysage de formation » deviendra alors de plus en plus en vogue.
Pour lutter contre la montée de l'extrémiste il faut aller à la racine du malaise. Il faut établir une réelle justice sociale et lutter contre toutes formes de discrimination et de violence. La violence économique qui se traduit présentement par le chômage, la pauvreté, les sévères mesures d'austérité, la corruption et l'exploitation est certainement la plus difficile à désarmer. Nous avons vu comment la crise financière en 2008 a fait vaciller les économies locales et nationales de l'ensemble des pays de la planète.
Aujourd'hui nous sommes tous reliés au grand capital. La concentration sans précédant du capital présente une menace "réelle" pour l'ensemble des Nations. Ces forces de plus en plus centrifuges génèrent de la désintégration et exercent des pressions constantes sur la cohésion des Nations, des États, des institutions et la cohésion en générale des sociétés tant en occident qu'ailleurs sur la planète.
Depuis 2011, les jeunes militants du mouvement « occupy » et du mouvement des indignés le démontrent bien avec les campagnes d'occupation et les slogans: "nous sommes les 99%". Mais personne ne les écoute et rien n'a été sérieusement entrepris.
Trois ans plus tard c'est toujours inacceptable, voire de plus en plus indécent qu'1% de la population mondiale contrôle les ressources pour les 99% de la population de la planète.
L'économiste français, Thomas Piketty a trouver "la faille" du système économique global. Dans son ouvrage Le Capital au XXIe siècle (Éditions du Seuil, 2013) paru récemment, il explique comment la richesse a toujours tendance à se concentrer surtout si « rendement du capital » a tendance à être plus élevé que la croissance de l'économie. Selon Piketty cette augmentation des inégalités ne pourra pas être renversée par les effets du libre-marché et par les lois dites "natures" de l'économie. Il propose d'introduire une taxe globale sur le capital ainsi qu’un impôt de 80% sur les revenus annuels qui excède $500,000. Il n'est pas le seul à avancer des solutions, de plus en plus de spécialistes se penchent sur la nécessité de décentraliser et de redistribuer le capital.
Pour garantir la paix durable, il est urgent d'agir et mettre en place des mesures pour décentraliser le grand capital. Il nous faut créer des ouvertures à partir d'une intention convergente donc la perspective est tournée vers l'éducation et la santé et vers un futur ouvert pour tous.
Le Canada pourrait facilement lancer des initiatives de paix durable. Depuis toujours le Canada n'a d'influence que s'il démontre un certain leadership concernant les grandes questions qui inquiètent l'ensemble des Nations. Au lieu d'orienter ces efforts vers le militarisme et la guerre, le Canada pourrait proposer la mise en place de mesures pour favoriser rapidement la décentralisation du grand capital et inviter les autres Nations à participer à un processus de paix durable. Finalement, pour encourager la baisse des tensions au Proche-Orient, le Canada doit réviser sa position en ce qui concerne les territoires occupés de la Palestine. Il est temps que cesse l'occupation. Le Canada doit reconnaître l'existence de deux états distincts: Israël et la Palestine. Déjà plusieurs dizaines de pays à travers le monde ont reconnu l'État Palestinien.
Pour conclure, je dis que les dirigeants doivent cesser de reléguer les personnes et la vie humaine à l'état d'accessoire. Parce que si le sujet de la vie humaine est sans cesse évoqué dans la lutte au terrorisme "le sacré"3 de la vie n'est jamais réellement pris en compte. Les victimes se comptent déjà par centaines de milliers. Des centaines de milliers de familles ont dû quitter emploi et domicile. Seulement pour le conflit en Syrie on compte plusieurs millions d'élèves qui ne pourront continuer leurs études! Selon Mélissa Fleming5, de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, le nombre de réfugiés à travers le monde a atteint le triste record de 50 millions de personnes. C'est du jamais vu depuis la deuxième guerre mondiale.
« Nous
observons que le paysage de formation2 des nouvelles
générations comprend les éléments d'une crise sociale globale qui
n'est pas simplement liée au changement technologique. La vie des
jeunes n'est pas seulement formée de qualifications techniques et
professionnelles ni des affirmations des anciennes générations sur
la perfection du monde dans lequel nous vivons.
(..) les crises étant de plus en plus mondiales et liées, à la guerre, à la diminution des ressources naturelles, à l'environnement touchent directement le devenir des jeunes. Ainsi tous ces phénomènes présents dans la vie des jeunes apportent leurs doses d'insécurité et mettent en jeu une dialectique générationnelle virulente.
En effet, tandis qu'une majorité d'individus dans la société ne veulent rien entendre de ce qui leur rappelle la vieillesse ou d'une possible remise en question de l'échelle des valeurs et du mythe de l'argent qui s'est installé dans toutes les sphères de la société.
(..)
l'époque actuelle est caractérisée par une désorientation
croissante tant au niveau local, national que mondial et ce phénomène
touche toutes les générations. »4
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1: Monde Sans Guerres et Sans Violence est une organisation Internationale du mouvement humaniste, essentiellement formé de volontaires présente dans plusieurs pays à travers le monde.
2: Définition de paysage de formation : notre emplacement personnel, à tout moment de la vie, s'effectue par la représentation de faits passés et de ceux plus ou moins possibles dans le futur, de sorte qu'ils permettent, en les rapprochant des phénomènes actuels, de structurer ce que l'on appelle la « situation présente ». L'influence du paysage de formation n'est pas simplement donnée par une perspective temporelle et intellectuelle formée biographiquement et d'ou l'on observe le moment actuel. Plutôt, le paysage de formation agit comme un « tréfonds » d'interprétation et d'action, comme une sensibilité comme un ensemble de croyances et de valorisations avec lesquels vit un individu ou une génération. Le concept de paysage de formation a été introduit par Silo; cité à plusieurs reprises dans ses ouvrages. (Source : quelques termes fréquents de l'humanisme, Éditions Références, Paris, 1995.)
2: Définition de paysage de formation : notre emplacement personnel, à tout moment de la vie, s'effectue par la représentation de faits passés et de ceux plus ou moins possibles dans le futur, de sorte qu'ils permettent, en les rapprochant des phénomènes actuels, de structurer ce que l'on appelle la « situation présente ». L'influence du paysage de formation n'est pas simplement donnée par une perspective temporelle et intellectuelle formée biographiquement et d'ou l'on observe le moment actuel. Plutôt, le paysage de formation agit comme un « tréfonds » d'interprétation et d'action, comme une sensibilité comme un ensemble de croyances et de valorisations avec lesquels vit un individu ou une génération. Le concept de paysage de formation a été introduit par Silo; cité à plusieurs reprises dans ses ouvrages. (Source : quelques termes fréquents de l'humanisme, Éditions Références, Paris, 1995.)
3:
Le sacré : qui se
réfère à quelque chose d'irremplaçable;
une valeur maximale; un caractère unique qui s'éteint avec la destruction de la vie humaine.
4:
source :
Anne Farrell, 2008, Étude du registre d'immersion et de
l'État de présence interne chez les jeunes entre 11 et 15 ans qui
socialisent dans les espaces de clavardage et de jeu,
Montréal, UQAM, p.10.
5: source : Melissa Fleming: Let’s help refugees thrive, not just survive ( http://bit.ly/ZEwSSC )
5: source : Melissa Fleming: Let’s help refugees thrive, not just survive ( http://bit.ly/ZEwSSC )